Archives Mensuelles: mars 2011

Le cri d’amour du poussin punk

I l y a quelques décennies, mon ami Patrick Juvet (et oui, on y revient) me faisait découvrir deux concepts :
–  La veste à paillettes : je ne m’en suis jamais remise ; ça et les bottes compensées en vinyle orange doivent à mon sens faire partie de toute garde robe qui se respecte. C’est valable pour les hommes aussi.
–  Il peut y avoir un besoin exprimé de femmes : c’est aussi toujours d’actualité.
Pour ceux qui ne voient pas de quoi je parle, un petit come-back dans le monde merveilleux et tant regretté des 70’s.
http://www.youtube.com/watch?v=WgF1ESRNs6I

… j’en profite pour ré-écouter… et comme à chaque fois mon cœur se serre d’émotion…

Sauf que je pourrais rétorquer : bon très bien… où sont les feeeeeeemmmes… on a compris ; mais posons-nous enfin une vraie question, « où sont les hommes ? »
C’est vrai ça.
Evidement en termes de rimes on est moins privilégiés ; spontanément je vois « pomme », « tome », « rhum », « métronome » (mais c’est difficile à caser). « Bibendum » (pas mal et plein d’avenir…)

Mais la réalité est néanmoins là, sous nos yeux ébaubis : un manque catastrophique d ‘hommes. Je veux parler des vrais, pas des bulots, ni des poissons rouges, ni des forcenés de la drague ouebienne (on y reviendra).
Une enquête approfondie m’a amenée à la conclusion suivante : ils ont tous été enlevés et sont retenus contre leur gré sur une planète lointaine ; dans un espace spécial pour les garder, une hommerie.

Voilà comment se passent les choses : tout homme susceptible d’un semblant de normalité est aussitôt enlevé par des forces spéciales (les FSAH « Forces Spéciales Anti Hommes »), bâillonné, ligoté et expédié vers l’hommerie lointaine.
Là, il est pris en charge par le personnel (formé tout exprès) qui le soumet à un traitement de choc :
–  Phase 1 : Injection à doses mortelles de foot à la télé, de séries débiles et de pubs pour voitures
–  Phases 2 : ce que j’appellerai  la « i-transformation » , qui consiste à implanter dans le cerveau un module de soudaine et irrépressible attirance pour tout ce qui relève du téléphone portable, mini-ordi et tout objet pouvant permettre une connexion web permanente ; c’est la préparation à la drague ouebienne.
– Phase 3 : retrait par trépanation de tout ce qui pouvait avoir un rapport même lointain avec quelque attrait culturel (lecture, arts, …)
–  Phase 4, la pire : dé-vocabularisation. L’homme ne comprends plus les mots simples de « bonjour, merci, excuse-moi, s’il te plait » ; il devient à peine poli, voir ouvertement goujat; c’est à cause du module complémentaire obligatoire de transformation en parisien.
–  Phase 5 : poissonisation ; l’homme perd ses repères et ses souvenirs perdurent 3 secondes.

Une fois ce cycle terminé, les hommes ayant survécu sont renvoyés sur terre et placés parmi nous.

D’où ce cri, profond, poignant, émouvant aux larmes que l’on peut entendre les nuit de pleine lune ou les nuit sans nuages, ou les nuits noires ou les nuits blanches ou les nuits folles ou les nuits d’insomnie : « Rendez nous les hooooooooooooooooooommmes »…

Chant rituel

Lundi tu m’ignore
De répondre tu oublies,
Venir  te semble un tort
Ha, vraiment tu n‘es pas poli

Mardi tu veux être unique
Exceptionnel, adulé et lu
D’arrogance tu te piques
Ha, vraiment pour qui te prends-tu ?

Mercredi tu veux assouvir
Tes idées et tes envies
Egoïste et plein du pire
Ha, vraiment tu es pourri

Jeudi tu veux être séduit
Sans essayer d’être tentant
Pérorant et plein d’ennui
Ha, vraiment tu es lassant

Vendredi tu me laisse seule
Tu disparais et m’abandonnes
Ne t’étonnes pas si je t’engueule
Ha, vraiment t’en fais des tonnes

Samedi tu te fâches
Sans raison et pour rien
T’excuser te semble lâche
Ha, vraiment tu n’es pas malin

Dimanche, toi qui m’inspires
Tu ne sais pas, tu n’es pas là
Et puis je n’ose rien dire
Tant pis pour moi, encore une fois.

Conseils printaniers

Le printemps pointe son nez et avec lui… différents syndromes très saisonniers, parfaitement cycliques et reconnaissables sur lesquels il me semble opportun de faire un point.
Avant de commencer, j’aimerais faire un petit aparté ; il semble que les hommes ne se sentent pas concernés par certains des thèmes abordés classiquement dans les textes issus de réflexions féminines. Que certains de ces messieurs se croient au dessus de nos basses préoccupations.
Une fois n’est pas coutume, je me permettrai donc de mettre en parallèle la vision féminine du débat et la vision féminine de la vision masculine du débat.
Pour ceux qui trouvent que ce n’est pas clair, je donne un exemple, basé sur le le syndrome dit « du bikini » : certains hommes (ayant pris la décision de ne jamais donner de noms ici, je ne trahirai pas ma source) estiment ne pas avoir besoin de prendre garde à leur tour de taille avant l’été. Grand bien leur fasse. Mais qu’ils ne négligent pas pour autant le test (simple et efficace) du miroir dans une cabine d’essayage.
Donc : vision féminine ; situation : la femme passe sont bikini de l’an dernier « AAAaaaAArgHHhhh… j’ai l’air de porter une taille 34 alors que je fais du 40… »
Vision féminine de la vision masculine ; situation : L’homme passe un shorty noir et parade devant le miroir en rentrant le ventre et bombant le torse. Il s’imagine qu’il va pouvoir conserver cette attitude pendant tout l’été (l’esprit masculin est radicalement optimiste)… et envisage 10 seconde de reprendre la course à pied. Mais il n’a pas les bonnes chaussures…
Fin de l’aparté et début des considérations sérieuses…

Avec l’arrivée du printemps, tocsin, trompettes, spirales lumineuses et danses de joie dans nos sandales de l’an dernier, fleurissent les éternelles résurgences et doutes …


Résurgence n°1 : j’ai grossi

Vision féminine : catastrophe, armoire pleine de vêtements immettables, fortunes investies dans des produits amincissants, kyrielle de repas sans goût et d’où seule persiste la sensation de manque…
Vision féminine de la vision masculine : pas concerné. Les hommes ne grossissent pas : ils ont du travail et pas de temps à perdre avec des futilités comme le sport en semaine ou les légumes…

Pas de panique ; déjà nos amis publicitaires vont vraisemblablement inventer un nouveau régime révolutionnaire qui fera vendre beaucoup de magasine et de substances inefficaces. Avec un peu de chance, cette année les laboratoires pharmaceutiques ne vont pas sortir de pilule mortelle, mais sans doute essayer d’inonder le marché de mélanges subtils à base de plantes …
Donc ayons confiance dans le monde merveilleux du marketing, et ne paniquons pas : les solutions vont affluer. Mais en gros, pas besoin d’être douée de vision du futur pour voir des jours sans fin passés à mâcher de la salade sans sauce et des galettes de riz, en alternance avec des séances d’abdos et de marche rapide. On aura droit de boire de l’eau et des tisanes de queues de cerise et de prendre un fruit tous les 3 jours. En prenant garder de mastiquer 250 fois chaque bouchée pour en pré-dissoudre les sucres.
Personnellement, je conseille d’éviter le carré de chocolat autorisé tous les 8 jours ¾ : il ne fait qu’entretenir une frustration déjà largement alimentée par l’ingestion de haricots insipides et de biscottes sans goût…
Ceux qui ne sont pas définitivement déprimés après quelques semaines de privations peuvent passer à la phase active de la remise en forme : le sport.


Résurgence n°2 : se mettre au sport

Vision féminine : achat d’une tenue de couleur appropriée, abonnement dans un club, recrutement de copines motivées sans lesquelles tout ça n’a pas de sens.
Vision féminine de la vision masculine : achat d’une tenue technique très coûteuse et en inadéquation totale avec le niveau pratiqué, abonnement dans une salle de sport, grandes discussions avec les copains sur les performances et les progrès, plus de temps passé à parader et parler fort de la pratique du sport que de temps passé à la pratique elle-même.
…Ceci n’est pas sans rappeler un adage, justifié par ailleurs…

« se mettre au sport » ne signifie pas forcément souffler, suer et souffrir lors d’interminables cours rythmés par une musique insupportablement forte et entouré de supermen ou superwomen qui n’ont pas l’air de faire me moindre effort pour réaliser les exercices… il y a d’autres alternatives comme, par exemple, aller courir en forêt ou dans un parc, aller danser en faisant abstraction des cocktails alcoolisés ou faire une demi-journée de shopping avec des lests de 1kg à chaque mollet (non ce n’est un truc de malade mental; c’est un truc qui permet d’optimiser astucieusement son temps).
Ayant testé ces 3 activités, je peux en rapidement faire un petit bilan :
          – Courir en forêt : super si on aime la boue, les pierres mesquines embusquées sous des feuilles mortes, les chiens en liberté et les VTT projecteurs de gouttelettes.
          – Courir dans un parc : présente l’avantage indéniable de permettre de croiser chaque personne courant dans le sens inverse 2 fois par tour. Donc pour une innocente tentative de drague, permet de se préparer à plusieurs rencontres avec l’objet de sa convoitise. Rencontre brève, certes, mais néanmoins réelle… le tout est de savoir agir promptement.
          – Aller danser : très bien si on ne redoute pas le contact rapproché avec des individus au QI proche de celui du bulot. Avantage indéniable : on peut revêtir son habit de lumière sans se poser la question de l’adéquation avec le dress-code de la soirée. Et croyez-moi, en fait d’habits de lumière, tout est permis…
          – Faire du shopping lesté : très bien pour les jambes, mais un peu compliqué à expliquer lorsque l’on soulève son jean (pas slim)  pour essayer une paire d’escarpins…

Résurgence 3 : Je n’ai rien à me mettre
…Pas forcément lié à la résurgence 1.

Vision féminine : Devant une garde-robe pleine à craquer, au moindre tiroir coincé par des vêtements tire-bouchonnés, à la moindre étagère débordante et aux cintres prêts à céder sous la pression des tenues empilées, on se dit que non, décidément rien de tout ça n’est portable ; pas de la bonne longueur, pas de la bonne couleur, trop petit, trop mou, impossible à assortir…
Vision féminine de ma vision masculine : l’unique jean est troué et irréparable, les t-shirt sont vrillés à force d’avoir été lavés et les chemises à manches courtes sont définitivement ringardes (mais ça fait 15 ans que je le dis). Et les baskets de sport, c’est moche. On ne parle pas à un homme qui porte des baskets de sport. Sauf dans le bois ou à la rigueur dans un parc et dans ce dernier cas seulement si l’homme au dessus des chaussures tourne dans le sens inverse de nous.

Ce problème récurrent de la vacuité du dressing peut être contourné par une stratégie imparable : posséder un jean sublime dont on ne se lasse pas. Celui qui va avec les escarpins vertigineux, les bottes en vinyle orange, les converses, les bottines branchées et les tongs en plastique. Celui qui s’accorde avec un dos nus sexy et un t-shirt street-art, ne paraît jamais ni trop propre ni trop sale, est suffisamment long pour être retroussé sur les chaussures branchées, assez près du corps sans être moulant (pire sans être cette abjection qu’est le « slim ») et (si possible) pourvu d’un détail fun mais discret. (Le mien a 2 petits rivets strassés oranges et l’intérieur des poches en tissus à motif exotique…)
Ajoutez à cela une ou deux paires de chaussures qui donnent une démarche de déesse du cat-walk et le tour est joué : On peut attendre les soldes…

Pour ceux dont la parade pré-printanière consiste à se mettre en entre parenthèse, voir en stand by, ne vous découragez pas : tout passe, tout casse, tout lasse, tout s’efface… ainsi va la vie et vive le mambo…spécial dédicace pour vous:  http://www.youtube.com/watch?v=ooh-SI-A824

échauffements

Parfois on éprouve le besoin impérieux de vivre à fond une envie. En ce qui me concerne et pour l’avoir déjà mentionné, je vis souvent « on stage » sur mes musiques préférées. Rien de bien méchant et ça n’engage que moi, mais ça peut parfois me mettre dans une situation à laquelle j’aurais préféré échapper…

Dernier exemple en date: l’impression, dans l’ascenseur, d’être en train de descendre l’escalier du Lido. Oui, c’est très bête.

Je ne sais plus quelle musique a généré cette pulsion, mais me voilà dans l’ascenseur (dont l’avantage est d’être équipé d’un très grand miroir) en train de préparer ma descente altière, toute de strass vêtue, la perruque raide et bleue bien en place et le sourire colgate (dans ma tête, hein, la tenue).  Chacun ses délires, que celui qui ne s’est jamais imaginé en John Travolta dans Grease ou en Harrison Ford dans Indiana Jones, que celle qui n’a jamais rêvé monter sur une scène prestigieuse ou pousser la chansonnette à l’Olympia me jette la première veste à paillette…

L’avantage de l’ascenseur, chez moi, outre le fait qu’il permet de se mirer à satiété, est qu’il s’ouvre sur un autre miroir, encore plus grand, dans l’entrée de l’immeuble, en général très bien éclairée et …déserte… Comme mon expérience de show-girl se faisait plutôt tard, je n’avais aucune raison de me retenir et me voilà en pleine inspiration sortant de la cabine en projetant bras et jambes et en faisant de bon cœur les  grands gestes chorégraphiés pendant la descente. Le pied. La projection ultime.
L’éclairage à fond, la musique, le public, tout y est … show-time dans ma tête..

Ce que je n’avais pas prévu, c’est que ce soir là (un vendredi) quelque voisin mal intentionné avait organisé une fête non fumeurs.

« Fête non fumeurs » se traduit par « on envoie les fumeurs dehors » ; « dehors » étant dans le cas qui nous intéresse « devant l’immeuble », soit en pleine ligne de mire de … la sortie de l’ascenseur…

C’est donc devant un public dense et très réceptif  que j’ai fait mes premiers pas dans l’univers du show, sobrement vêtue, certes, mais équipée d’écouteurs dont le mérite premier est d’isoler de ses congénères. Soit à rester dans son petit monde un (trop) long moment avant de réaliser la présence des autres.
Le tableau est dressé, pas la peine d’en f aire plus… je suis sortie en essayant de prendre un air naturel, priant pour que le noir ambiant devant l’immeuble préserve mon anonymat….

En même temps et compte tenu de cette étrange propension que j’ai en rencontrer, dans ces cas là, mon voisin sexy, pour une fois il n’était pas là… c’est déjà ça, voyons le côté positif des choses.

Horoscope

09:30  Voilà ce qu’annonce mon horoscope du matin:
« Toutes formes de communication qui mettent en jeu une révélation intime vous apparaîtront aujourd’hui comme un moyen d’exploiter au plus juste le puissant souffle d’inspiration qui pénètre dans votre périmètre »

Petit aparté: oui, je lis mon horoscope le matin, mais non, ça n’influe pas le déroulement de ma journée; disons que quand la tendance est positive j’y trouve un moment de satisfaction (mais du même ordre que la satisfaction procurée par l’ingestion d’une tartine de confiture d’abricots à l’ancienne) et quand la tendance est négative je trouve que décidément, ces horoscopes sont nuls et non avenus.

Mais là, je dois admettre que « le puissant souffle d’inspiration qui pénètre dans votre périmètre » me réjoui au plus haut point: si même les astres reconnaissent mon génie créatif, ça va swinguer… Quand la galaxie s’en mêle, ça ne peut que déboucher sur quelque de chose de surdimensionné, transcendant, extraordinaire. J’en profite pour rappeler ici que « dans l’espace, personne ne vous entend crier »; il semblerait néanmoins que « dans l’espace, on vous entend créer ». Comme quoi, une lettre sépare un monde hermétique d’un monde accueillant.
Oui, il est tôt et déjà je suis en pleine transe. No coment.

Donc j’attends maintenant la « communication qui met en jeu une révélation intime », de pied ferme.

14:59     Toujours aucune révélation… je suis dans l’attente imminente d’un puissant souffle d’inspiration dans mon périmètre.
D’ailleurs, je commence à m’interroger sur ce qu’est « mon périmètre »… y a-t-il une distance, un rayon au delà duquel le souffle ne m’atteindra pas? Dois-je effectuer un rite particulier, revêtir une toge orange ou psalmodier sur l’air de « Où sont les feeeeeeeemmmes » des séries d’onomatopées barbares? Dois-je me couper les cheveux, me tenir sur la tête, sauter à cloche-pied et à l’envers dans mon bureau? Que de questions sans réponse… Dans le doute, je vais entamer une danse du ventre devant la fenêtre, ça ne peut pas faire de mal…

16:44    J’ai épuisé toutes mes ressources pour attirer à moi le puissant souffle d’inspiration. J’ai mal aux abdos et la danse du ventre devient pénible.  J’attends toujours. Peut être la puissance est-elle toute relative… peut être un vague toussotement a-t-il été dirigé vers moi et je ne m’en serais pas rendue compte? Le doute s’instille dangereusement dans mon cerveau de blonde (preuve qu’il y a un cerveau chez une blonde)

 19:12    Toujours aucun souffle; à ce stade, j’accepte même un soupir…

 22 :53   Mon ordi vient de freezer ; serait-ce le signe ?

23:58    Pfffff…. c’est vraiment nul, ces horoscopes….

Un monde merveilleux…

Il est un monde merveilleux où l’on se sent épanoui et aimé, un monde ou chaleur humaine et bon entente conjuguent leurs effets bénéfiques pour favoriser une créativité intense et débridée, un monde où les paroles sont des chants, les écrits des poêmes, les rencontres des fêtes. Ce monde fabuleux, s’il existe, n’est définitivement pas celui du travail.
Le monde du travail, tel que je le pratique actuellement, est une sorte de monde composé de multiples couches, monde dans lequel cohabitent des bulles étanches les unes aux autres; il est fréquement représenté par un immeuble, ou un étage d’un immeuble. Dans ces espaces,  il y a entre autres la bulle des salariés-grouillots, la bulles des salariés-chefs et la bulle des prestataires (par définition super-grouillots), à laquelle (vous l’avez deviné) j’ai la joie d’appartenir.
 
Petite précision: dans la vraie vie, les habitants des différentes bulles sont tous des humanoïdes amenés à communiquer de la façon la plus normale qui soit. Aucune différence évidente ne permet de les catégoriser et ils peuvent même interagir les uns avec les autres. C’est dans le « monde du travail » que les choses changent.
 
Les bulles des salariés-grouillots, salariés-chefs et prestas vont et viennent dans l’espace de l’immeuble qui abrite le « monde du travail », elles s’agitent au gré des vociférations des uns et des râleries des autres, glissent, se retournent, se croisent, se percutent, sans jamais générer d’interaction entre les salariés (errant dans 2 bulles) et les prestas (errant dans 1 bulle).
Explications: La bulle des prestas présente des caractéristiques particulières sur lesquelles il est intéressant de s’arrêter un moment.
 
    – la bulle rend ses habitants transparents. Le presta est par conséquent totalement invisible, ce qui explique qu’on ne lui adresse jamais la parole, qu’on ne l’invite jamais à déjeuner ou prendre un café, qu’on ne lui tienne pas la porte quand il passe, chargé de dossiers.
    – elle rend ses habitants impuissants (impuissance limitée au « monde du travail », j’entends); c’est à dire que quelle que soit leur force de persuasion, les raisons qu’ils invoquent, l’aspect stratégique de leurs remarques, ils ne seront pas écoutés, pas considérés et encore moins reconnus.
    – la bulle nourri ses habitant; par un procédé encore inconnu de mes services, mais je travaille à éclaircir ce mystère. En conséquence de quoi, lorsque les salariés des autres bulles s’organisent des agappes, ils n’ont pas besoin d’y inviter les prestas. Ceux-ci sont déjà sur-nourris par leur bulle. Et de toute façon, ils sont transparents. On est donc parfaitement habilité à manger des croissants, gâteaux et autres sucreries en leur présence sans leur accorder la moindre attention.
    – la bulle procède automatiquement aux rites habituels de début et de fin de journée. Donc pas la peine de dire « bonjour » ou « bonsoir » à un presta. Encore moins « bon week-end ». La question du « bonnes vacances » ne se pose pas, vu qu’on ignore totalement quand les prestas sont habilités à se reposer. Le sont-ils d’ailleurs?
    -la bulle offre un standard physique à ses habitants; c’est très pratique: ainsi les prestas hommes sont tous rigoureusement identiques et les prestas femmes aussi. On peut donc leur donner un nom générique et globaliser les contacts incontournables que l’on est (hélas) obligé d’avoir avec eux. On est aussi autorisé à les confondre, à confondre leurs projets et leurs attributions.
    – la bulle gère un écoulement élastique du temps. C’est une particularité très pratique: ainsi on peut faire attendre interminablement un presta avant une réunion (jusqu’à 1h d’attente, le presta peut rester dans le couloir, entre les toilettes et le placard à balais; bien pesner à faire en sorte qu’à tout moment il ait l’impression que la réunion va démarrer, de façon à le maintenir sous pression et à l’empêcher de retourner glander dans son bureau). On peut aussi sans aucun scrupule raccourcir ses délais pour un projet. L’obliger à rendre au bout de 15 jours ce qui était supposé être fait en un mois, par exemple.
 
A l’issue de la mission, le presta disparaît de la bulle et toute mémoire de son passage est aussitôt effacée; voilà pourquoi il est agréable d’avoir à faire à des prestas: on peut se comporter avec eux comme si on était poisson rouge (ou salsero), c’est à dire: oublier jusqu’à leur existence, même quand ils sont à moins d’un mètre…