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Estivale promiscuité 2

Le début par

Les périodes de vacances  présentent de multiples occasions de se rapprocher de la gent humaine. Dans les transports, par exemple. Prenons le métro (ceci est une allégorie, bien sûr ; il n’est pas question que vous et moi prenions ensemble le métro… ce serait par trop indélicat de ma part de vous infliger une telle expérience pendant la période sacrée de votre repos annuel…). Donc, le métro. Il ne vous aura pas échappé qu’en période estivale les tenues citadines se donnent des allures de tenues de plage. On croise des filles en micro-shorts, en micro-débardeurs, en micro-jupes, en micro-sandales. Et paradoxalement, des garçons en méga-shorts, en méga-débardeurs, pas de micro-jupes, mais des …tongs… la vraie tong,  celle en plastique qui s’encrasse et offre une surface glissante dès que la température ambiante dépasse 25°, ce qui est fréquent dans le métro en Juillet… donc si on se trouve dans la totale obligation de prendre le métro en fin de journée, on assiste malgré soi à un festival de mollets poilus, aisselles dégagées et tongs crado sous pieds sales. La classe. Pour les filles, c’est mieux : ça donne mollets bronzés, pieds sales mais aux ongles vernis de fluo (très tendance cet été) sur tongs crado. La palme du pire pour le RER B aux sièges en plastique détendu et dont les rames passent la moitié de la journée au soleil. On est inévitablement collés dessus… pour peu que l’on porte une jupe ou un short un peu courts, on pose ses cuisses sur un plastique mou et chaud au contact duquel des dizaines de cuisses ont transpiré avant nous…

L’été, les gens partent en vacances ; il est donc fréquent de croiser dans les interminables couloirs du métro des personnes chargées de valises, sacs, emballages Disney, paquets divers et … sacs à chien … Vous savez, ces sacs en molleton moche, aux imprimés souvent inspirés des redoutables années 80, que les mémés serrent fort contre elles et qui laissent entrevoir une tête moitié aimable de petit clebs hirsute et souvent aux yeux globuleux, les canines acérées et la salive gluantes affleurant les babines… le genre qui mord sans raison et aboie à tout bout de champs et de préférence pour rien.
Mais quand même…

L’autre jour j’ai vu une de ces mémés, qui trimballait une valise, un gros sac  à main et un sac à chien, dans les couloirs de l’infinie station Montparnasse (oui, c’est bien celle où les couloirs interminables semblent mener tout droit en enfer et où on se trompe systématiquement d’entrée, s’obligeant par-là à affronter des kilomètres d’embouteillages piétonnier…), contrainte de se débrouiller seule dans les escaliers alors qu’elle était entourée d’au moins 10 personnes jeunes et vigoureuses qui auraient pu lui donner un coup de main. J’estime faire partie des personnes « jeunes et vigoureuses », mais étant de mon côté considérablement encombrée, je n’ai pas pu faire la BA du jour. J’ai essayé tout de même en attirant l’attention d’un jeune auquel j’ai fait remarquer que « la dame semblait un peu faible pour son chargement », mais n’ai récolté qu’un sourire charmant et chargé de « ah ouais, je vois, la pôôôvre… pas cool, la vieillitude ! ». Crétin.

Après cela, j’ai croisé des gens forts étranges qui trouvaient que s’exprimer en hurlant dans un train de grande ligne était normal et tentaient de communiquer avec une personne restée à l’extérieur du train. Mais si tu l’aimes tant que ça, le monsieur, il faut l’emmener avec toi… ou t’installer ici, avec lui… non, en fait, casses toi loin avec lui…

Dans le même wagon sont montés des touristes belges (donc doublement excusés) qui ont joyeusement pris place en cherchant les meilleurs sièges pour ne pas « vomir sur les autres ». Ouais, choisis bien ton siège la grosse en fluo, sinon je vais trouver le moyen de te faire réingurgiter ton big-mac de force et sous les yeux pleins de larmes de gratitude des passagers normaux.

Après quoi arrivent des québécois, reconnaissables à leur accent chantant, qui se sont enquis de la possibilité de fumer dans ces trains ; je leur aurais bien suggérer de fumer à proximité des belges, mais c’eut été par trop risqué pour la santé olfactives des autres passagers… après quoi ils ont ri comme des baleines asthmatiques à l’idée de descendre aux différents arrêts pour fumer. Mais n’ont pas pris le risque.

Toujours dans le même wagon, décidemment très pittoresque, ont fini par monter une demi-douzaine d’individus vêtus de t-shirts rouges, qui revenaient manifestement d’une compétition sportive, et ont passé la fin du voyage à s’amuser avec une corne de brume. Très frais pendant 45 minutes.

Quand je suis arrivée, les boules Quiès enfoncée dans les oreilles jusqu’à ce qu’il me reste de cerveau, j’avais nerveusement rongés mes ongles pour éviter de griffer au sang les belges, d’arracher un par un les ongles des québécois et de taper avec les sportifs sur les hurleurs… j’étais à point pour le dernier bus…

EVEN61

EVEN61 

Traduit de l’anglais: “même 61” .
La prononciation six-un, plus rapidement « si un » ouvre quelques intéressantes possibilités comme « même si un »… suivi de ce que l’on veut : « même si un ours démonte la rame, je monte », « même si un nain algébrique traverse l’espace temps pour s’asseoir à côté de moi, je continue à lire Kant », « même si la quatrième dimension est le vide, je saute la marche », etc…
 

Anagramme « NEVE61 » :
Un névé est une accumulation de neige qui peut perdurer en dessous de la limite de neiges éternelles et ce même pendant une partie de l’été (source wikipedia).
Neige-soixante-et-un ou une touche d’éternité métallique au cœur de la capitale.
 

Dans la réalité, EVEN61 est le long asticot de métal tricolore bruyant qui cueille chaque matin des dizaines de banlieusards hébétés (d’autant plus hébétés que la semaine avance) pour les égayer dans la capitale au gré de besoins de production divers. Plus prosaïquement, le RER; enfin le mien; « mon RER » quoi. On le trouverait presque sympathique dans le petit matin frais, ses lumières oranges fièrement dressées vers le ciel, son allure sinueuse, ses couleurs franches…  

Une rapide recherche dans le monde ouebien indexé par google et voilà ce que « EVEN61 » devient : 

          Un tableau d’horaires, le haut parsemé de noms qui fleurent bon l’exotisme banlieusard du sud, le bas plus prosaïquement parisien. Etranges noms de villes, entre ceux qui gisent plus ou moins sur cette pauvre Yvette, chapeautés par un saint à la consonance animale(ce qui explique sans doute en partie sa tolérance), les noms communs, la reine au balconnet à guichet ouvert pour les sots qui finiront robinsons à la fontaine… tout ça pour ne pas perdre le nord… 

 

             La référence à une banderole floquée “vive les maries”.
Y aurait-il tant de similitudes entre le chemin tracé, régulier et raillé du serpent quotidien et la vie à deux officialisée ? tant de voyageurs hypnotisés, mécaniques et bien réglés qui emprunteraient indifféremment l’un comme l’autre ? 
 

 

          Un coming out pour le moins surprenant
Mais venant d’un long serpent à l’avant vif et aux déhanchements lascifs…
 

   

Underground de banlieue

Pour des raisons indépendantes de ma volonté et auxquelles l’envol pérpihéen n’est pas étranger, je me trouve dans l’obligation temporaire de me déplacer grâce aux sacrosaints « transports en commun ».
Petite précision importante: en des temps immémoriaux, j’étais la déesse de la circulation RATP, connaissant à fond tout le plan, sachant comment aller d’un endroit à un autre en nombre de stations, la démarche souple et altière, professionnelle de la resquille et reconnaissant à l’odeur les stations traversées.  Gloire ancienne très vite oubliée.
Le challenge du jour est donc de renouer avec mon prestigieux passé de globe-trotter underground.
Première étape et non des moindres: localiser la gare. C’est incroyable à quel point une gare peut devenir transparente, voir inexistante, dans l’environnement d’un pilote de deux roues (le terme « pilote » est employé ici à dessein).
Une fois dans la gare, trouver le guichet.
Enfin, ça c’était dans les années 80. Maintenant, plus de guichet. Une guérite pompeusement baptisée « information » sert de refuge à trois agents de la RATP dont on est en mesure de se demander ce qu’ils font là, étant donné qu’un unique siège est installé face à la vitre qui donne accès au savoir ratpien.Là, on peut avoir un plan, mais pas les petits plans plastifiés super-pratiques, ça aussi c’est devenu collector. Un plan est un truc qui une fois déplié devient récalcitrant à toute tentative de lui rendre sa forme initiale. On a le choix entre deux modèles: le petit, format A4 déplié, et le grand, format A3 déplié, impossibles à utiliser dans des conditions normales (c’est à dire coincé dans la rame, un coude étranger planté dans le plexus et un chignon -étranger lui aussi- chatouillant les narines.
Maintenant, il s’agit d’acquérir un ticket qui permettra le passage aux bornes d’entrée et de sortie des différentes stations de transit. C’est devenu indispensable, vu qu’on ne peut plus sauter allègrement par-dessus le portillon. La RATP qui prône l’exercice des franciliens aurait dû y réfléchir à deux fois avant de mettre en place les systèmes de contrôle…
Nouvelle découverte : en ce XXIème siècle, la carte orange n’existe plus. « Orange » fait maintenant référence à un opérateur téléphonique, un parti politique fantôme, 1/5ème des besoins en fruits/légumes de la journée ou éventuellement une certaine saturation des réseaux routiers. Mais pas du tout à une carte. Je commence à me sentir bien âgée…
Comme le guichet n’existe plus, il faut se plier à l’utilisation du distributeur automatique. Personnellement, je hais les distributeurs automatiques. Tout d’abord parce qu’ils ne parlent pas la même langue que nous, les humains. Ensuite parce que les boutons, rouleaux de sélection et autres touches sont rien qu’à la vue autant de vecteurs de saletés abominables. Ensuite parce qu’ils sont en général peu ergonomiques. Peu ergonomiques pour les gauchers. Je ne sais pas si j’ai acheté les bons billets. Tout simplement parce que je ne fais pas de différence entre un trajet « paris- par RER » au départ de banlieue et un trajet « Paris » toujours au départ de banlieue. A bien y réfléchir il semble que ce soit lié à la destination finale: métro = Paris, mais j’en appelle là à de lointains souvenirs obsolètes…
Une fois en règle (du moins moralement en règle) je me rends sur le quai. Après quelques secondes d’intense réflexion, je décide de choisir le quai de droite, partant du postulat que la rame roule à droite. Comme une voiture.Cherchant à vérifier cette intuition, je jette un oeil au panneau d’affichage et là je réalise que seules sont annoncées les destinations finales des rames. Compte tenu de la structure en araignée malformée du réseau, je suis bien en peine de savoir quelle est la destination finale de la rame qui m’amènera à l’interconnexion à laquelle je dois me rendre. Et là, pour le coup, aucun souvenir. Plutôt un vide sidéral, trou noir et obscurcissement du cerveau au moment précis ou deux rames entrent en gare.Que faire? Sauter dans la plus proche ou courir, traverser le pont et sauter dans l’autre? Ne pas sauter du tout et demander me semble plus sûr, mais du coup je perds 10mn. Et découvre que le RER roule à gauche.
La rame fini par arriver. J’avais oublié que presque 30cm séparent le quai du marchepied. 30 cm en dessous duquel on voit distinctement les rails, les pierres, les souris… pratique pour les petits enfants, les personnes âgées, les personnes chargées… génial en cas de bousculade ou de glissade. Heureusement, une suave vois féminine invite, à chaque arrêt, à prendre garde au gap. Au moins, on est averti…
Bon, m’y voilà, installée, journal dégainé (ah oui, je croyais que toutes les gares avaient leur point presse, quelle naïveté… pourquoi permettre au voyageurs de lire autre chose que 20mn?), me sentant étrangement extérieure à cet univers codé. L’espèce d’amusement bon enfant du début s’est peu à peu transformé en fatigue agacée, avec un pic d’énervement à la 8ème minute d’arrêt injustifié deux stations avant mon port d’arrivée. J’aurais mis 1h45 à faire un trajet qui habituellement me prend 35 mn… comme tu me manques, fidèle destrier ….
Petit bulletin du trajet du soir: Découverte de la connexion RER/M14 à Châtelet les Halles. Une foule grouillante circule à un rythme rapide et uniforme, sardines grises au regard torve; il semble y avoir un sens giratoire, des courants bien définis et des règles de comportement obscures. Par exemple, pour intégrer le flux, il faut immédiatement adopter la bonne vitesse sous peine d’être éjecté voir piétiné, sans sommation. Ensuite, hors de question d’aller à contre-sens, ce serait suicidaire. Enfin, si on veut sortir à un endroit précis, anticiper et orienter sa direction longtemps avant la bifurcation sinon le risque est grand de rater le couloir ou de se faire incendier par le ban.…Réminiscences indiennes… Du haut de l’escalator, la vision de ces hordes de gens aux visages vides de toute forme d’expression,  exécutant un ballet qui semble réglé depuis la nuit des temps a quelque chose de glaçant. A la sortie Hoche, vision d’une vieille dame qui hésite à se lancer dans la ronde, piétine et marmonne « …ben ils pourraient quand même me laisser passer… »