Votre voisin du dessous
Il y a quelques jours, je reviens d’un WE prolongé et ma première préoccupation est de relever mon courrier. Non que j’attende des miracles épistolaires, simple mesure quotidienne.
Donc, chargée et souhaitant ardemment retrouver mon home sweet home, j’ouvre la porte métallique à mon nom.Ces 2 derniers mots forment un palindrome, suis-je forte…
Et là, surnageant la pile habituelle des prospectus, catalogues locaux, annonces diverses et vieux papiers mélangés (je fais une collec’), je trouve un courrier sobrement intitulé « votre voisin du dessous ».Mon sang ne fait qu’un tour et mon cœur se met à battre plus vite. Incroyablement constitué, mon cerveau humain me dicte immédiatement les idées suivantes :
– C’est un fou, il veut t’occire
– C’est un admirateur, il veut te parler
– C’est un riche magnat fan de Bollywood, il veut te produire sur scène
– C’est un vieux chnoque qui s’ennuie, il veut perturber son voisinage
– C’est un journaliste, il veut te piéger pour une émission de téléréalité (mais là, le terme « journaliste » me semble galvaudé)
– C’est un amoureux, il veut te faire une déclaration
– C’est un grand cuisinier, il veut t’inviter à tester ses créations avec tout l’immeuble
– C’est un fêtard, il invite tout l’étage à une grande boum revival 70’s
– C’est Patrick Juvet, il n’aime pas tes critiques incessantes.
Les doigts légèrement moites, je déplie la mystérieuse missive. Une pleine page écrite très serrée. Mais ça commence par « hier soir, quand vous êtes venu frapper chez moi »… pas de bol, hier soir j’étais en hélicoptère au dessus de la diagonale du fou… beuh… ça ne s’adresse pas à moi. Quoi faire ? Si j’étais totalement et foncièrement honnête, je ne lirais pas un courrier qui ne m’est pas destiné. En plus, je suis dans le hall d’entrée, ce n’est pas discret.
Certes, mais je ne sais pour l’instant pas à qui est destiné ce courrier. Seule une lecture complète peut éventuellement me renseigner. Non ? Si.
Monter le feuillet et étudier tout ça chez moi ? Bof, j’ai la flemme de redescendre. Et l’esthétique du courrier me prévient qu’il ne renferme pas grand-chose de stupéfiant, beau, intéressant ou même un tant soit peu bien orthographié…
Je reste, je lis, j’assume…En gros, l’intrépide rédacteur s’attaque à son voisin « du dessus » qui s’est manifesté à cause de nuisances sonores. Et comme notre inconnu est aussi doué en live qu’en différé, il a dû rester coît devant la râlerie et ne réagi que trop tard. D’où la missive.
Avec amusement, je constate qu’à travers sa maladroite expression, je me fais une image assez précise de son auteur (il faut préciser que je ne connais pas les habitants de mon immeuble, je serais bien en peine de les identifier dans la rue…). Les interjections indignées « j’ai le droit d’écouter de la musique un samedi à 16h » ou « je vous rends service en baissant le son pour éviter de réveiller vos enfants », les menaces masquées « je pourrais m’énerver… » (ouarfff, c’est vrai que quelqu’un qui signe « votre voisin » est particulièrement inquiétant…) laissent envisager un jeune homme fade et pâle, le cheveux légèrement gras, le regard oblique, le ventre mou et le jogging pendant. Pas franchement la classe internationale.
A ce niveau, j’hésite ; la lettre est tellement affligeante que j’ai envie de la mettre dans mon bêtisier des « trucs nuls ». Mais néanmoins, elle est destinée à quelqu’un. Qui sera sans doute très édifié par sa lecture.
Je peux aussi la replier soigneusement et la poser au sol, en espérant que le « voisin du dessus » se reconnaîtra. Ou que son auteur la remettra dans la bonne boîte. Ou à défaut, pas dans ma boîte.
J’en envisagé un court mais jouissif moment de l’accrocher bien ouverte, en la couvrant d’un gros point d’interrogation au marqueur noir. J’étais prête à faire l’aller retour pour ça, mais j’ai imaginé que ça n’amuserait que moi…
Finalement, j’ai estimé sa valeur tellement faible que je l’ai repliée et glissée dans la boîte en dessous de la mienne, me disant que si tout le monde raisonne comme moi, elle finira par atteindre son destinataire. Et que les gens de l’immeuble sauront avec quel genre de courageux individus ils partagent leur espace vital. Ces vrai, quoi, quelqu’un qui intitule son courrier « votre voisin du dessous » et qui remet ça en signant « votre voisin du dessous », c’est un signe… Bon, évidemment, différents indices auraient dû attirer mon esprit hélas trop facilement romanesque :
– Le papier est une vulgaire feuille arrachée d’un cahier à grand carreaux ; même pas grand format.
– C’est écrit au bic fin, même pas cristal. Même pas la série limitée anniversaire 4 couleurs funs
– L’écriture est gamine et pas droite
– Ce n’est pas plié correctement.
En bref, comme mot pour fêter mon retour dans l’immeuble, j’ai trouvé cela décevant.
L’homo urbanus est décidemment un sujet infini d’études et d’effarements…
Publié le 9 novembre 2009, dans Extrapolations, et tagué anonyme, voisin, voisinage. Bookmarquez ce permalien. 2 Commentaires.
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