Ménage à trois – Part 3-
Un trio d’arnaqueurs composé d’une femme de ménage diabolique (Delphine), d’une bimbo qui n’a pas froid aux yeux (Rachel) et d’un consultant en on-ne-sait-pas-quoi-mais-on-s’en-fout (Léo) piège des hommes presque innocents, les abandonne nus et seuls dans des appartements inconnus et profite de la situation pour les cambrioler.
Dans l’aube naissante qui suit sa nuit avec sa dernière victime, Rachel file sous le prétexte fallacieux d’aller chercher des croissants. En vrai, elle se précipite au domicile de son amant d’une nuit, pour le dépouiller de ses biens précieux. Sur place, elle réalise qu’elle ne se sent pas taillée pour ce type d’arnaque et se fait griffer par le chat du propriétaire. En partageant le butin, elle se sent coupable d’avoir dérobé une montre à forte valeur sentimental et après avoir quitté abruptement ses complices, elle décide de retourner chez sa victime pour lui restituer la montre.
*
Il est à peine neuf heure et demie. Il doit être chez lui, choqué. Je vais me contenter de déposer la montre dans sa boîte aux lettres. Ca prendra moins d’une minute.
Rachel se lève, règle son café, attrape une pile de prospectus dans un présentoir et se dirige vers le métro. Elle a devant elle 45mn pour méditer sur son avenir d’arnaqueuse, avant d’honorer le rendez-vous proposé par Léo. « J’y serai pour 10h30 ». Le sms à peine envoyé, elle éteint son portable.
La rue de filles du calvaire est plus animée, ce qui l’arrange: elle préfère ne pas être reconnue. Elle se poste sur le trottoir, un peu plus loin que le 14, en face, et risque un œil vers les fenêtres du deuxième étage pour constater que les rideaux sont tirés et que tout a l’air calme. Après avoir rassemblé ses cheveux en un chignon serré qu’elle dissimule dans le col de sa veste, elle vérifie que la montre se trouve bien au fond sa poche et inspire profondément.
Ce n’est rien, il me suffit d’ouvrir la porte, j’ai la clef. Trouver la boîte aux lettre et y jeter la montre. Ca va aller. Si je croise quelqu’un, je prétexterai distribuer des tracts.
Elle traverse, la clef de la porte d’entrée dans une main, les tracts serrés sous son bras. Elle a l’impression que la sueur de son stress va tremper le papier imprimé et que son cœur va jaillir d’entre ses côtes. Sa main tremble alors qu’elle introduit la clef dans la serrure et la fait tourner. La porte s’ouvre, le hall est désert. Rachel fait un pas en avant et se fige en entendant des pas qui descendent l’escalier. Craignant d’attirer l’attention en reculant, elle fait un bond en avant et se plante devant les boîtes aux lettres. Les pas semblent provenir du premier étage, avec un peu de chance, elle a le temps de trouver la bonne boîte et d’y déposer la montre avant que la personne n’arrive au bas de l’escalier. Mais la panique l’empêche de se concentrer sur les noms qu’elle fixe comme s’ils était écrits avec des caractères inconnus. Alors qu’elle déchiffre péniblement « famille Grosleroy », elle réalise qu’elle ne connaît pas le nom de famille du jeune homme de la veille. Elle ne peut que rechercher un « Thomas » et les étiquettes des boîtes à lettre proposent deux Thomas et quelques T. devant les noms de famille.
Merde. C’est tout moi, ça, de faire n’importe quoi. Si Léo savait ça, il serait hystérique. Je risque de me faire chopper, de nous mettre en danger tous les trois, pour la montre d’un homme dont je ne connais même pas le nom…
– Vous cherchez quelqu’un, mademoiselle?
La voix est aimable, mais le regard de l’homme en costume sombre d’une soixantaine d’années, qui lui fait face, dément cette douceur. Rachel déglutit.
– Heu… non, merci. Je tracte…
– Je vois. Faites attention à respecter les autocollants « stop-pub »… je compte sur vous…
– Promis
Silence. Elle s’attendait à ce que son interlocuteur sorte, mais il semble disposé à surveiller le soi-disant tractage.
Il faut que je bouge, que je fasse quelque chose, que je parte d’ici, que je passe devant ce type et que je sorte, que je…
Pendant qu’elle glisse quelques tracts dans les boîtes, en faisant attention à la présence des fameux autocollants et en essayant de se souvenir d’un indice qui lui permette de trouver le bon « Thomas », elle sent le regard réprobateur de l’homme dans son dos. Elle finit de distribuer son tas de papiers et se retourne pour sortir. L’homme est planté au pied de l’escalier, il faut qu’elle passe devant lui pour atteindre la porte. Elle inspire, redresse fièrement la tête et appuie sur le bouton d’ouverture.
– Bonne journée, mademoiselle
– Excellente journée à vous – elle le gratifie d’un sourire avant de poser un pied à l’extérieur –
– Je ne vous dis pas « au revoir »
Il m’énerve, ce type, il mériterait que j’envahisse sa boîte de tracts débiles tous les jours. Et ça veut dire quoi, cette façon de me surveiller? Je déteste ce genre de pingouin sûr de son droit, engoncé dans ce qu’il croit connaître de la vie. S’il croit que ça amuse les gens de distribuer des pubs…
– Vous vouliez me dire autre chose?
Elle en a oublié de partir.
Mais quelle idiote. Ce type m’a vue, il n’aurait aucun mal à m’identifier au cas où…
– Non-Non
*
– Bon, peux-tu m’expliquer ce qui s’est passé ce matin? Tu as flippé? Si c’est ça, il faut le dire, tu risques de nous faire prendre. Je préfère arrêter. On trouvera toujours une fille qui…
– Une fille prête à vendre son cul pour une arnaque?
Surpris par le ton agressif, Léo prend un moment avant de répondre.
– Une fille qui saura tenir ses nerfs et ne risquera pas de se faire descendre pour quelques montres et des CD… Tu sais Rachel, il m’est impossible d’oublier Daphnée et les risques idiots qu’elle a pris. C’est avant tout pour ça que je voulais refaire cette arnaque, mais à trois personnes. Pour assurer ta sécurité. Si tu ne sais pas te contrôler, mes efforts et mes protocoles dont vous vous moquez ne servent à rien et je préfère arrêter. Il faut que tu me fasses confiance. Mais il y a autre chose…
Ca y est je m’en veux. Je sais bien qu’il souffre encore de la mort de cette Daphnée. Et qu’il n’a pas tort sur la sécurité.
– … il faut que tu choisisse tes cibles avec soin. Ne sélectionne pas un homme dont tu risques de…
– … de t’enticher, oui je sais.
– J’ai bien vu ta tête, tout à l’heure, quand on parlé de la montre, que tu as mentionné le père du type. Un gars qui fait ce genre de confidences est tout de suite attendrissant.
Saloperie, tu lis en moi. Il faut que je me méfie.
– Flippe pas, je ne lis pas en toi, hein… c’est juste que c’est exactement la raison qui a poussé Daphnée à agir seule et tu sais comment ça c’est fini.
– Mal, d’une balle non perdue.
– Je n’ai pas envie de perdre mon nouveau co-équipier trop rapidement.
– T’inquiète, ça va.
– Je te fais confiance. On va laisser un peu de temps avant la prochaine, ça te permettra de reprendre tes marques.
Rachel acquiesce.
– Pourquoi tu te gratte comme ça?
– Je ne sais pas… J’ai une allergie sans doute.
– Le chat? Le chat de ce matin qui t’a griffée?
– Peut être…
– Fait voir?
Elle soulève son t-shirt et découvre, au dessus de la ceinture une éraflure rouge et suintante
– Ce n’est pas joli du tout, tu devrais montrer ça à la pharmacie.
*
– Ca date de quand?
– Je ne sais pas trop, ce matin, peut-être…
– C’est votre chat?
– Non…
– Il va falloir aller voir son propriétaire, parce qu’une infection si rapide et douloureuse, ça n’est pas bon signe. Ce chat doit être examiné et son propriétaire proche averti. Je vous conseille de lui faire faire une prise de sang et de revenir me voir avec les résultats. Je vous fais une note pour le vétérinaire.
Le médecin griffonne quelques instructions sur un papier et le tend à Rachel.
– Ne tardez pas trop.
*
Et donc, ça continue par lààà
Publié le 2 août 2020, dans histoire courte, et tagué arnaque, bimbo, chat, femme de ménage, roman de l'été. Bookmarquez ce permalien. 5 Commentaires.
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