Archives Mensuelles: septembre 2019

Living in a no-world

Lecteur-chéri-ma-girole, c’est la rentrée, c’est l’automne, c’est le retour de la pluie et la saison des manifs et des impôts locaux. Pas de quoi se réjouir. Laisse-moi te raconter une incursion dans le monde d’aujourd’hui, dont j’ai, il est vrai, été déconnectée quelques temps…

Jour de rentrée

Je n’avais pas prévu le ring de l’horreur, cette bande de route glauque qui passe sous le quartier d’affaires. Un souterrain miteux et puant, à moitié en travaux, au tiers occupé par des bus dont le moteur tourne pour maintenir une température (intérieure) tenable , le peu d’espace restant pour circuler, saturé de véhicules dans lesquels des gens s’énervent. Je suffoque autant par manque d’oxygène que par stress d’arriver en retard. Le risque majeur, dans ce genre de situation, c’est de prendre le mauvais embranchement et de se retrouver à devoir refaire un tour de manège infernal. Sans pouvoir décrocher le pompon (de toute façon, qui a envie de gagner un tour gratuit ?). Je sens la pollution se mêler à mon maquillage et maculer le col de ma chemise claire, mais je reste de marbre (enfin, j’essaie). L’embranchement en vue, j’active ma boussole intérieure, cassée depuis que je suis gauchère. Je décide de ne pas la croire et file sur une voie qui d’un côté est bordée d’entrepôts à la sordidité proche d’un discours d’extrême-droite et de l’autre d’interdictions diverses. Sans le ciel au dessus de ma tête, je suis incapable de me repérer. Je ne comprends rien aux indications. La circulation est trop rapide pour je fasse un point topo.

Détectant de la vie dans un aquarium surmonté d’un panneau « Parking », je me renseigne auprès de l’autochtone, qui se fout de mon problème d’orientation autant que de la préservation de la planète. Je décide de jeter mon cheval de feu sur un espace miraculeusement vide et de faire des incantations pour éviter qu’il soit enlevé dans la journée.

Dehors, je me trouve cernée d’immeubles dont la caractéristique majeure est ne pas avoir de numéro. A la question « pouvez-vous m’indiquer où se trouve le 10 ? », la réponse est « Non ». Les gens qui bossent ici se contentent de connaitre leur chemin.
Une fois sur place, je n’ai pas de badge pour entrer (le Graal étant un badge pour entrer, sortir, déjeuner et imprimer). Les services généraux, qui doivent me le procurer, sont au 10è étage, aile A. Un gardien au regard lourd de reproches me laisse passer.

Tous les étages, toutes les ailes, sont identiques. Je me perds. Les ascenseurs automatiques s’arrêtent où ils veulent et s’ouvrent quand ils veulent. Je ne sais plus où je suis. Seul un fou dangereux a pu inventer ce site. Je décide de circuler à pied. Mais les ailes ne communiquent pas, il faut monter, traverser des couloirs, redescendre, retraverser d’autres couloirs, remonter… J’ai l’impression d’être un rat de laboratoire dans un labyrinthe.

Je finis par arriver au 10A. Pour obtenir le badge salvateur, il faut un numéro. Numéro qui m’a été envoyé par e-mail, à une adresse interne. Donc il me faut un ordinateur pour lire le mail et retourner chercher le badge. Mais sans badge, impossible de rallier l’endroit où on peut me procurer un ordinateur, à savoir étage 7, aile C.

Il me faut un ordinateur.

Je me faufile derrière des gens qui ont des badges. Je monte, traverse des couloirs, redescends, retraverse d’autres couloirs, remonte… tout ça collé à des inconnus qui me regardent sévèrement.
J’obtiens un ordinateur, grâce auquel j’accède à mon numéro.
Je dois remonter au 10e. Ma gorge commence à se serrer. Je m’assieds sur une marche de l’escalier de service , 8e étage, pour lutter contre l’envie de partir en courant. J’ai besoin de ce job. Je rallie le 10e, obtiens mon badge.

Il me faut maintenant un bureau. On me dit qu’il y a 8 bureaux pour 10 personnes, que je dois en trouver un libre. Mais qu’il est tard. Que ce sera compliqué. J’en ai marre de trimballer toutes mes affaires, il me faut un casier pour les poser le temps de trouver un bureau.

J’en trouve un, mais pour en faire fonctionner le cadenas, il faut un mode d’emploi, que je trouverai dans le kit d’accueil, qui me sera remis au 9è. Aile B.

Je vais m’enfermer dans les toilettes pour pleurer d’énervement et taper sur le mur.

Je remonte, fais tout le tour des 4 ailes avant d’arriver. Récupère un kit dans lequel je trouve le mode d’emploi promis et une gourde en plastique. Ici, on respecte la planète. Pas les employés. Je redescends, dégotte un casier, y stocke mes affaires.
Par chance, un bureau est resté vacant. La table est surélevée et personne ne sait comment la baisser. Je vais commencer par travailler debout. J’ouvre le capot de l’ordinateur, un papier s’en échappe. J’ai faim. Je décide d’aller à la cantine et pose le papier sur la table.

La cantine grouille de monde, impossible d’approcher les salades. Il faut compter 25mn pour faire son choix et atteindre la caisse. Mais mon badge ne me permet pas de régler. Ça me coupe l’appétit. Je vais chercher un café. Le café est gratuit, mais il faut un mug. Tous les mugs sont sales ou au lave-vaisselle. Pas de gobelet, ici on respecte la planète.

Je remonte à mon ordinateur, trouve comment faire descendre la table, trouve une chaise, regarde le papier. Il faut que je le remette au service informatique, c’est une décharge que je dois signer pour l’ordinateur.

Il me faut un stylo.

Retour aux moyens généraux. Pas de stylo, mais les fournitures sont à disposition dans des distributeurs. Je mets 27 minutes pour localiser le distributeur. Ces couloirs identiques me donnent le tournis.

Je n’ai pas le bon badge pour avoir des fournitures.

Je retourne à mon bureau, trouve une punaise, ma perfore le doigt et signe la décharge de mon sang. La vue du sang (du mien, surtout) me fait tourner la tête et me rappelle que je n’ai pas déjeuné. Il est 15h30. Je choisis de braver l’interdit et de sortir en quête de nourriture.
Je dois marcher 15mn pour trouver un sandwich que tout le monde a dédaigné et je sais, à sa simple vue, qu’il va me rendre malade. Je rentre avec mon sandwich, payé une fortune. Je trouve l’endroit réservé aux pauses. Canapés, lits, hamacs… mais tout ça est bien en vue, de façon à ce que chaque personne qui passe puisse noter qui à la faiblesse de se reposer. Je n’ose pas m’installer et mâchouille mon sandwich entre l’aile A du bâtiment 8 et l’aile C du bâtiment 7, où m’attend mon bureau.

Ce jour là, j’ai réussi l’exploit de travailler 1h et 10 mn, de récupérer mon scooter exempt de PV et de rentrer chez moi en 1h…

La vengeance est un plat qui se mange nu (chapitre 6 – fin)

Previously on « Revenge is a Samboussek fromage best served naked »

Un homme vient de passer la nuit chez une jeune femme et se trouve, au réveil, mis en joue par une inconnue qui prétend qu’il se trouve dans son lit. Ses vêtements et toutes ses affaires évaporés, la jeune femme disparue, il fait son possible pour éviter une confrontation avec la police et tente d’amadouer son hôtesse forcée.
Après une tentative pitoyable de s’expliquer, principalement motivée par le besoin de récupérer de quoi couvrir sa nudité devenue embarrassante, il se livre à une petite introspection pour tenter de découvrir qui a pu le mettre dans cette situation. Dubitative et soucieuse de savoir qui utilise son appartement pour faire des blagues de mauvais goût, Alexandra, la propriétaire des lieux, décide d’accompagner l’homme dans ses recherches.
Le tandem passe quelques soirées à chercher sans succès la mystérieuse inconnue, puis Léo découvre que, après avoir dragué Rachel, jeune noctambule qui lui plaisait, Alexandra s’est volatilisée la nuit ou la jeune femme qui l’avait piégé est tuée par un propriétaire à la gâchette sensible qui n’a pas apprécié de trouver un couple d’inconnus dans son lit.
Une rapide enquête révèle qu’Alexandra, femme de ménage dans le civil, serait la tête pensante de l’arnaque. Léo décide de prendre contact avec Rachel, dont il suppose qu’elle a eu un contact récent avec elle.

Si vous débarquez et que vous avez le temps (c’est mieux),
Le début est là: Chapitre 1
Le chapitre 2 attend bien au frais ici: Chapitre 2
Vous cherchez le chapitre 3? Pas de panique, il vous attend là: Chapitre 3
Le chapitre 4 est juste à la page d’avant: Chapitre 4
Le chapitre 5 se situe assez logiquement après le chapitre 4, soit là: Chapitre 5

 

*

 

– Ne bouge pas de là, je vais chercher des croissants

Les lèvres de Rachel m’effleurent et elle caresse mes cheveux avant de faire volte-face et de sortir de l’appartement en claquant la porte. J’attends que la clef tourne dans la serrure pour me rhabiller à toute allure, puis j’utilise des serviettes de toilette afin de donner l’illusion d’un corps endormi sous la couette et me mets en embuscade dans l’entrée, ma cravate dénouée entre les mains.

Il avait fallu environ dix minutes à Delphine pour arriver, la fois précédente. A supposer qu’elle obéisse à un timing précis, j’ai le temps de me préparer à la cueillir.

Un bruit de pas dans l’escalier, un trousseau de clefs, un cliquetis de serrure. Collé contre le mur, je tends la cravate et retiens mon souffle. La porte s’ouvre et laisse le passage à la petite femme replète, sanglées dans son sac à dos de voyage. Je lui laisse le temps de refermer la porte et me glisse derrière elle. Je lève la cravate et lui en enserre le cou, tirant bien de chaque côté. Elle émet un léger bruit et reste immobile. M’attendant à de la résistance et m’y étant préparé, j’attends un court instant qu’elle réagisse, mais elle se contente de porter les mains à son cou en gémissant. Je la pousse dans le salon en silence et la débarrasse de son sac à dos d’une main, l’autre maintenant l’étranglement. Elle n’a pas encore vu son agresseur. Toujours sans parler, je la maintiens de dos. Je veux lier ses poignets dans son dos et pour cela, il me faut mes deux mains. Je libère un court instant la pression sur son cou et remonte ma cravate entre ses mâchoires pour lui maintenir la bouche ouverte. J’en noue les extrémités derrière sa tête et la fait pivoter face à moi. En me découvrant, elle a un hoquet et écarquille les yeux. Comme elle reste molle et ne songe pas à se débattre, je le pousse dans la chambre. Moi aussi, j’ai réfléchi à un plan. Je n’ai pas honte d’admettre qu’il intègre une part de vengeance mesquine.

– Enlevez vos vêtements, Delphine.

Elle obtempère en tremblant et entreprend de se débarrasser de son t-shirt, de son pantalon de toile et de ses chaussettes. Je prends le temps de contempler son corps mou à la peau blafarde.

– Tous vos vêtements…

Nouveau hoquet.

– Vous ne voulez pas que je sorte mon pistolet ?

Elle fait signe que non et se tortille pour ôter ses sous-vêtements. Je la laisse baigner dans sa gêne quelques instants puis lui indique le lit.

– Asseyez-vous.

Elle s’exécute et je la rejoins, m’assieds à côté d’elle et la regarde droit dans les yeux.

– Je vais vous ligoter

Elle prend peur et jette des regards affolés partout, comme si de l’aide allait surgir d’un placard. A l’aide d’une paire de collants (obligeamment prêtée par Rachel), je lui noue les poignets et les jambes, puis la fait s’allonger et la recouvre de la couette.

– Je vais maintenant appeler les flics, mais avant, j’ai besoin de comprendre comment vous osez continuer après la mort de votre complice.

A ces mots, ses yeux se remplissent de larmes et sa gorge se contracte. Elle me fait signe de lui ôter la cravate.

– Au premier signe d’énervement, je n’hésiterai pas à vous assommer…

Comme elle fait signe qu’elle a compris, je dénoue la cravate et la laisse reprendre ses esprits. Elle me regarde avec crainte avant de se mettre à parler de façon presque inaudible.

– J’ai besoin d’argent. Vous vous voyez, vous, faire le ménage pour survivre ? C’est fatigant et ça ne paie pas. Et je n’ai jamais eu de scrupule à prendre aux riches.

Je me visualise assez mal passant le plumeau sur des bibelots qui ne sont pas les miens, mais de là à arnaquer les gens, il y un fossé que je ne me sens pas capable de franchir. Elle a du tempérament, je ne peux pas lui enlever ça.

– Pour la mort de Daphnée… Je ne savais pas… on était fâchées, à cause de vous… Vous lui aviez plu, elle avait refusé de vous cambrioler, elle disait qu’elle voulait vous revoir. Je l’ai traitée de folle et lui ai dit que je ne voulais plus jamais avoir de contact avec elle.

Quelques larmes roulent sur ses joues. Le spectacle de cette femme nue, éplorée, attachée dans un lit qui n‘est pas le sien a failli m’émouvoir au moins autant que d’apprendre le prénom de mon arnaqueuse, Daphnée, mais je me reprends.

– Elle a voulu refaire le coup toute seule, pour me prouver qu’elle n’avait pas besoin de moi, alors qu’elle savait que moi, j’ai toujours eu besoin d’elle…

En effet, je ne vois pas un homme sain d’esprit se laisser emmener par Delphine au milieu de la nuit. Ma délicatesse naturelle m’empêche d’en faire la remarque et je la laisse continuer.

– Le propriétaire était supposé rentrer en avion, il ne devait pas arriver chez lui avant huit heures et demie. Elle ne pouvait pas prévoir qu’il allait rentrer en voiture…
– C’était un de vos client ?
– Oui…. – Elle ose à peine me regarder, je ne sais pas si elle est plus mortifiée de se trouver nue et attachée devant moi que d’admettre ses méfaits. Pour un peu, elle me ferait pitié – J’avais pris ses billets d’avion en photo et les lui avait envoyés, pour qu’elle prévoit son coup. Mais c’était avant… avant vous… je n’imaginais pas qu’elle travaillerait seule.
– Et pourquoi m’avez-vous accompagné au bar, toutes ces soirées ?
– La première fois, c’était pour jouer le jeu, vous faire croire que j’étais l’habitante de l’appartement, ça faisait partie du plan… Mais comme on s’était disputées et qu’après, elle avait disparu, je me suis dit qu’elle essaierait peut-être de vous retrouver au bar, ou que si elle vous appelait, vous me le diriez… Je voulais la retrouver… Aller au bar avec vous était ma seule option.
– Et Rachel ? Elle était supposée remplacer votre complice ? (Je n’ose pas utilser le prénom d’Isabelle/Daphnée, par peur d’ancrer son existence passée dans la mémoire).
– Oui… Je l’avais vue vous aborder, elle me paraissait assez entreprenante pour faire l’affaire et elle a vite admis avoir besoin d’argent…
– Delphine, vous me faites l’impression désagréable d’être une maquerelle, je vais devoir appeler la police.

Elle se tait et baisse les yeux pendant que je renoue la cravate qui l’empêche de parler, ramasse ses loques et claque la porte sur moi.

*

Je préfère attendre que le garçon m’amène un double café et des tartines beurrées avant de passer mon coup de fil. J’aime l’idée de faire languir Delphine.

*

– Rachel ? C’est fini, tout s’est bien passé, Delphine attend toute seul et sans vêtements sur un lit défait… Je vais appeler les flics.
– C’est dommage, elle avait un plan en or, ça me plaisait d’y participer. Mais je ne me sens pas trop de faire le coup toute seule, d’autant que je ne me vois pas me transformer en femme de ménage…
– Je vous comprends…
– …

*

Je remonte à l’appartement pour y trouver Delphine toujours étendue sur le lit, entortillée dans la couette. Sans dire un mot, sous son regard terrifié, je lui jette ses vêtements au visage.

– 30% pour vous, 30% pour Rachel, le reste pour moi et je vous paie le coiffeur.

Comme elle semble ne pas comprendre:

– Vous comprenez, avec le changement du régime des retraites, je dois penser à mon avenir…

*