La vengeance est un plat qui se mange nu (chapitre 6 – fin)

Previously on « Revenge is a Samboussek fromage best served naked »

Un homme vient de passer la nuit chez une jeune femme et se trouve, au réveil, mis en joue par une inconnue qui prétend qu’il se trouve dans son lit. Ses vêtements et toutes ses affaires évaporés, la jeune femme disparue, il fait son possible pour éviter une confrontation avec la police et tente d’amadouer son hôtesse forcée.
Après une tentative pitoyable de s’expliquer, principalement motivée par le besoin de récupérer de quoi couvrir sa nudité devenue embarrassante, il se livre à une petite introspection pour tenter de découvrir qui a pu le mettre dans cette situation. Dubitative et soucieuse de savoir qui utilise son appartement pour faire des blagues de mauvais goût, Alexandra, la propriétaire des lieux, décide d’accompagner l’homme dans ses recherches.
Le tandem passe quelques soirées à chercher sans succès la mystérieuse inconnue, puis Léo découvre que, après avoir dragué Rachel, jeune noctambule qui lui plaisait, Alexandra s’est volatilisée la nuit ou la jeune femme qui l’avait piégé est tuée par un propriétaire à la gâchette sensible qui n’a pas apprécié de trouver un couple d’inconnus dans son lit.
Une rapide enquête révèle qu’Alexandra, femme de ménage dans le civil, serait la tête pensante de l’arnaque. Léo décide de prendre contact avec Rachel, dont il suppose qu’elle a eu un contact récent avec elle.

Si vous débarquez et que vous avez le temps (c’est mieux),
Le début est là: Chapitre 1
Le chapitre 2 attend bien au frais ici: Chapitre 2
Vous cherchez le chapitre 3? Pas de panique, il vous attend là: Chapitre 3
Le chapitre 4 est juste à la page d’avant: Chapitre 4
Le chapitre 5 se situe assez logiquement après le chapitre 4, soit là: Chapitre 5

 

*

 

– Ne bouge pas de là, je vais chercher des croissants

Les lèvres de Rachel m’effleurent et elle caresse mes cheveux avant de faire volte-face et de sortir de l’appartement en claquant la porte. J’attends que la clef tourne dans la serrure pour me rhabiller à toute allure, puis j’utilise des serviettes de toilette afin de donner l’illusion d’un corps endormi sous la couette et me mets en embuscade dans l’entrée, ma cravate dénouée entre les mains.

Il avait fallu environ dix minutes à Delphine pour arriver, la fois précédente. A supposer qu’elle obéisse à un timing précis, j’ai le temps de me préparer à la cueillir.

Un bruit de pas dans l’escalier, un trousseau de clefs, un cliquetis de serrure. Collé contre le mur, je tends la cravate et retiens mon souffle. La porte s’ouvre et laisse le passage à la petite femme replète, sanglées dans son sac à dos de voyage. Je lui laisse le temps de refermer la porte et me glisse derrière elle. Je lève la cravate et lui en enserre le cou, tirant bien de chaque côté. Elle émet un léger bruit et reste immobile. M’attendant à de la résistance et m’y étant préparé, j’attends un court instant qu’elle réagisse, mais elle se contente de porter les mains à son cou en gémissant. Je la pousse dans le salon en silence et la débarrasse de son sac à dos d’une main, l’autre maintenant l’étranglement. Elle n’a pas encore vu son agresseur. Toujours sans parler, je la maintiens de dos. Je veux lier ses poignets dans son dos et pour cela, il me faut mes deux mains. Je libère un court instant la pression sur son cou et remonte ma cravate entre ses mâchoires pour lui maintenir la bouche ouverte. J’en noue les extrémités derrière sa tête et la fait pivoter face à moi. En me découvrant, elle a un hoquet et écarquille les yeux. Comme elle reste molle et ne songe pas à se débattre, je le pousse dans la chambre. Moi aussi, j’ai réfléchi à un plan. Je n’ai pas honte d’admettre qu’il intègre une part de vengeance mesquine.

– Enlevez vos vêtements, Delphine.

Elle obtempère en tremblant et entreprend de se débarrasser de son t-shirt, de son pantalon de toile et de ses chaussettes. Je prends le temps de contempler son corps mou à la peau blafarde.

– Tous vos vêtements…

Nouveau hoquet.

– Vous ne voulez pas que je sorte mon pistolet ?

Elle fait signe que non et se tortille pour ôter ses sous-vêtements. Je la laisse baigner dans sa gêne quelques instants puis lui indique le lit.

– Asseyez-vous.

Elle s’exécute et je la rejoins, m’assieds à côté d’elle et la regarde droit dans les yeux.

– Je vais vous ligoter

Elle prend peur et jette des regards affolés partout, comme si de l’aide allait surgir d’un placard. A l’aide d’une paire de collants (obligeamment prêtée par Rachel), je lui noue les poignets et les jambes, puis la fait s’allonger et la recouvre de la couette.

– Je vais maintenant appeler les flics, mais avant, j’ai besoin de comprendre comment vous osez continuer après la mort de votre complice.

A ces mots, ses yeux se remplissent de larmes et sa gorge se contracte. Elle me fait signe de lui ôter la cravate.

– Au premier signe d’énervement, je n’hésiterai pas à vous assommer…

Comme elle fait signe qu’elle a compris, je dénoue la cravate et la laisse reprendre ses esprits. Elle me regarde avec crainte avant de se mettre à parler de façon presque inaudible.

– J’ai besoin d’argent. Vous vous voyez, vous, faire le ménage pour survivre ? C’est fatigant et ça ne paie pas. Et je n’ai jamais eu de scrupule à prendre aux riches.

Je me visualise assez mal passant le plumeau sur des bibelots qui ne sont pas les miens, mais de là à arnaquer les gens, il y un fossé que je ne me sens pas capable de franchir. Elle a du tempérament, je ne peux pas lui enlever ça.

– Pour la mort de Daphnée… Je ne savais pas… on était fâchées, à cause de vous… Vous lui aviez plu, elle avait refusé de vous cambrioler, elle disait qu’elle voulait vous revoir. Je l’ai traitée de folle et lui ai dit que je ne voulais plus jamais avoir de contact avec elle.

Quelques larmes roulent sur ses joues. Le spectacle de cette femme nue, éplorée, attachée dans un lit qui n‘est pas le sien a failli m’émouvoir au moins autant que d’apprendre le prénom de mon arnaqueuse, Daphnée, mais je me reprends.

– Elle a voulu refaire le coup toute seule, pour me prouver qu’elle n’avait pas besoin de moi, alors qu’elle savait que moi, j’ai toujours eu besoin d’elle…

En effet, je ne vois pas un homme sain d’esprit se laisser emmener par Delphine au milieu de la nuit. Ma délicatesse naturelle m’empêche d’en faire la remarque et je la laisse continuer.

– Le propriétaire était supposé rentrer en avion, il ne devait pas arriver chez lui avant huit heures et demie. Elle ne pouvait pas prévoir qu’il allait rentrer en voiture…
– C’était un de vos client ?
– Oui…. – Elle ose à peine me regarder, je ne sais pas si elle est plus mortifiée de se trouver nue et attachée devant moi que d’admettre ses méfaits. Pour un peu, elle me ferait pitié – J’avais pris ses billets d’avion en photo et les lui avait envoyés, pour qu’elle prévoit son coup. Mais c’était avant… avant vous… je n’imaginais pas qu’elle travaillerait seule.
– Et pourquoi m’avez-vous accompagné au bar, toutes ces soirées ?
– La première fois, c’était pour jouer le jeu, vous faire croire que j’étais l’habitante de l’appartement, ça faisait partie du plan… Mais comme on s’était disputées et qu’après, elle avait disparu, je me suis dit qu’elle essaierait peut-être de vous retrouver au bar, ou que si elle vous appelait, vous me le diriez… Je voulais la retrouver… Aller au bar avec vous était ma seule option.
– Et Rachel ? Elle était supposée remplacer votre complice ? (Je n’ose pas utilser le prénom d’Isabelle/Daphnée, par peur d’ancrer son existence passée dans la mémoire).
– Oui… Je l’avais vue vous aborder, elle me paraissait assez entreprenante pour faire l’affaire et elle a vite admis avoir besoin d’argent…
– Delphine, vous me faites l’impression désagréable d’être une maquerelle, je vais devoir appeler la police.

Elle se tait et baisse les yeux pendant que je renoue la cravate qui l’empêche de parler, ramasse ses loques et claque la porte sur moi.

*

Je préfère attendre que le garçon m’amène un double café et des tartines beurrées avant de passer mon coup de fil. J’aime l’idée de faire languir Delphine.

*

– Rachel ? C’est fini, tout s’est bien passé, Delphine attend toute seul et sans vêtements sur un lit défait… Je vais appeler les flics.
– C’est dommage, elle avait un plan en or, ça me plaisait d’y participer. Mais je ne me sens pas trop de faire le coup toute seule, d’autant que je ne me vois pas me transformer en femme de ménage…
– Je vous comprends…
– …

*

Je remonte à l’appartement pour y trouver Delphine toujours étendue sur le lit, entortillée dans la couette. Sans dire un mot, sous son regard terrifié, je lui jette ses vêtements au visage.

– 30% pour vous, 30% pour Rachel, le reste pour moi et je vous paie le coiffeur.

Comme elle semble ne pas comprendre:

– Vous comprenez, avec le changement du régime des retraites, je dois penser à mon avenir…

*

Publié le 1 septembre 2019, dans roman de l'été, et tagué , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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