Le petit prince a pas dit

Lecteur-Chéri-Ma-Boule-De-Cristal, cette semaine je te propose un jeu. Ca faisait longtemps. Comme le WE dernier célébrait les 400 ans du décès du barde de Stratford  (connu aussi sous le nom de Shakespeare, ou Big Will pour les amis), je vais tirer au hasard 5 phrases (ou vers) du livre de poche que j’ai présentement sous les yeux et qui contient « Le marchand de Venise », « Comme il vous plaira » et « Beaucoup de bruit pour rien ».
Classiquement, je me donne 20 mn pour créer une histoire à partir de ces 5 extraits.
Tu n’es pas obligé de me croire, mais sache que j’ai du mal à mentir à mon dentiste. Alors à la terre entière… (Parce que oui, j’aime à croire que la terre entière est en capacité à me lire, ça s’appelle « la magie du oueb »). Donc les 5 extraits sont parfaitement random et les 20 mn un réel objectif.

Extrait 1 « Ce sang ne vient-il pas, comme un pudique témoin, déposer de son innocence ? »
Extrait 2 – « Quand je vous l’ai donnée, vous m’avez juré que vous la porteriez jusqu’à l’heure de votre mort et qu’elle ne vous quitterait pas même dans la tombe »
Extrait 3 – (Qu’est-ce qu’on se marre…) « J’ai rencontré un fou dans la forêt, un fou en livrée bariolée… »
Extrait 4 – « En vérité, belle dame, vous avez le cœur joyeux »
Extrait 5 – « Il est dans mon fourreau, dois-je l’en tirer ? »

Moment de concentration, roulement de tambours, coassement de grenouilles gavées d’étoiles et surfant sur l’air bleu de la galaxie fantôme qui jouxte notre univers en perdition.
Top chrono ! Il est 15h20. Je sens ton cœur qui bat à l’unisson du mien (OK,  c’est totalement virtuel, mais je trouve l’idée inspirante et la communion via la toile me sied en ce jour ensoleillé).

Ce matin, en courant dans les bois, j’ai rencontré un petit prince. Rond et doux, les cheveux en désordre comme un poussin au sortir de l’œuf, il était tout entier absorbé par la contemplation d’un bassin dans lequel s’ébattaient deux carpes aux reflets argent et turquoise. Au coin de la bouche de l’un des deux poissons, blessé par un hameçon, perlait une goutte vermillon. L’enfant semblait tétanisé par cette goutte rouge. Ce sang ne vient-il pas, comme un pudique témoin, déposer de son innocence ?
Ses grands yeux sombres laissaient entrevoir le puit sans fond du questionnement enfantin. Une matière noire et pure, abyssale, dont la dureté était compensée par le reflet doré des iris. L’enfant avait choisi de se taire. Son mutisme n’était pas une prison mais un rempart contre la vie dont il préférait ignorer les vicissitudes. (il est 15h27)
L’une des carpes, la plus grosse, celle qui n’était pas blessée, sortit la tête de l’eau et me demanda l’heure. Je lui répondis que je n’avais pas de montre, ce qui la fâcha au plus haut point. Elle répondit, sur un ton de mépris dont j’étais loin d’imaginer qu’il put émaner d’un poisson :
– Quand je vous l’ai donnée, vous m’avez juré que vous la porteriez jusqu’à l’heure de votre mort et qu’elle ne vous quitterait pas même dans la tombe .
J’ai dû lui expliquer que, pour courir au bois, une montre en or incrustée de pierres précieuses ne me paraissait pas idéale. L’animal acquiesça et, d’un mouvement de queue élégant retourna à ses aqueuses occupations, non sans avoir lancé un « tu vois Roger, je te l’avais dit, on ne peut pas faire confiance aux humains ».
Roger me regarda et jaugea ma tenue. L’enfant s’était approché et avait, de son petit doigt potelé, essuyé le sang de sa lèvre. Il prit la parole.
– J’ai rencontré un fou dans la forêt, un fou en livrée bariolée, il m’a dit que je pouvais faire confiance à ceux de sa caste, qui arpentent les bois le dimanche matin, courant derrière un avenir qui ne leur appartient plus. D’ailleurs (Roger s’était mis de côté pour mieux capter mon regard) je ne comprends pas cette manie que vous avez de vous agiter pour rien… regardez cet enfant : il est calme, se contente de ce qui l’entoure et ça a l’air de le rendre heureux…
En effet, il émanait du petit prince une aura de quiétude tranquille, totalement hors du temps. Il s’était un peu éloigné et cueillait des fleurs, choisissant avec soin les plus jolies, prenant mille précautions pour ne pas écraser les autres sous ses petites chaussures aux lacets brillants.
(Il est 15h37, je suis à la bourre)
Regarder cet enfant me comblait d’aise. Roger dû s’en rendre compte, car il m’adressa un clin d’œil (oui, je vous garantis que les carpes peuvent cligner de l’œil) et dit, d’un ton allègre:
– En vérité, belle dame, vous avez le cœur joyeux ! Oubliez la montre et restez avec nous, nous allions justement passer à l apéro !
Prendre l’apéritif avec deux carpes dissertes et un enfant mutique me semblait une bonne façon d’attaquer le mois de Mai. Je m’assis donc au bord du bassin, fis un geste vers le petit pour qu’il s’approche et fouillais mes poches, à la recherche d’une barre de céréales à partager. Je sorti la friandise et en proposais aux convives. Roger, salivant d’avance, tourna sa tête corail vers son compagnon (il est 15h42, zut) comme pour demander l’autorisation de goûter au fruit défendu. La grosse carpe (dont j’appris par la suite qu’elle répondant au nom de Stanislas) eu du mal à cacher son mépris et me fit remarquer que l’emballage risquait de ne pas être très digeste. J’avais décidé de rester calme, à l’image de l’enfant délicat qui me tendait ses fleurs.
– Il est dans mon fourreau, dois-je l’en tirer ? (oui, c’est un peu capillotracté, désolée)
Roger secoua la tête et Stanislas eut un mouvement que j’interprétais comme une invitation au partage. J’ouvris le sachet et découpais en parts égales son contenu. Les poissons se jetèrent sur leurs morceaux et pendant quelques secondes, le bassin fut agité remous comme si un combat s’y déroulait. Je me tournais vers l’enfant pour lui offrir sa part. Il avait disparu. Seules quelques fleurs roses et blanches témoignaient de son passage.
Le petit prince n’a pas dit…
(Il est 15h46…)

Lecteur-Chéri-Mon-Couscous, tu n’es toujours pas obligé de me croire, mais je poste de ce pas et sans corriger. Je te laisse un ciel dramatique, Shakespearien en diable, et des pensées de printemps. J’te bises

#dramasky, #theofffice, #geckobleu007

 

 

 

 

Publié le 1 mai 2016, dans Extrapolations, Roger et Stanislas, et tagué , . Bookmarquez ce permalien. 12 Commentaires.

  1. Super, ce texte. Le meilleur depuis que je te suis. Plein de poésie et d’inventivité (et d’un peu de folie). J’adore, je t’assure, et cela dit sans flagornerie aucune, pour singer Will (que j’adore aussi). J’insiste : tu devrais rassembler tes textes et les envoyer à un éditeur. Je pars demain pour les States, pas trop le temps, hélas, de m’appesantir. Comme tu dis toi-même que tu ne t’es pas relue, je te signale quelques erreurs mineures : Au début : « Stratford » (et non « Statford »; paragr. 6 : « sorti » la tête de l’eau (il faudrait écrire « sortit ») A la fin du même paragraphe : « qu’il pût » au lieu de « qu’il pu »; paragr. 12 : « sa têtes corail » (pas de « s » à tête); « ses fleur » (« s » à fleur). J’espère que tu ne m’en voudras pas d’être aussi tatillon. Roland

  1. Pingback: Le blog du gecko (bleu)

  2. Pingback: Le petit prince a un rêve | Le blog du gecko (bleu)

  3. Pingback: Le petit prince veut voyager | Le blog du gecko (bleu)

  4. Pingback: Le petit prince | Le blog du gecko (bleu)

Parlez après le bip...

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :