Le petit prince veut voyager

 

Le début de cette épopée est par là https://geckobleu007.com/2016/05/01/le-petit-prince-a-pas-dit
La suite est là https://geckobleu007.com/2016/06/19/le-petit-prince-a-un-reve/

Néanmoins, Lecteur-chéri-mon-culbuto, nulle obligation de rétropédaler dans le temps, surtout que ce modeste post te trouve sans doute débordé. Tout ce que tu as besoin de savoir est que le personnage principal est un enfant, petit prince mutique. Il se tient régulièrement au bord d’un bassin habité par deux carpes koï, Roger et Stanislas, qui présentent la particularité de parler (et de ne jamais rater l’apéro). Roger est par ailleurs capable de lire les pensées humaines. Voilà, tu sais l’essentiel.

          Oui, je vois bien, c’est une montagne…
Stanislas suivait du regard le doigt potelé du petit prince, qui lui désignait une ligne brisée en forme de triangle sur la feuille de papier qu’il tenait au-dessus du bassin.
          C’est bien, tu as fait des progrès… mais tu ne veux pas plutôt m’apporter des trucs pour l’apéro ? ça a l’air sympa, tes beignets, là-bas…
Le gamin était venu avec un plateau de friandises, paris lesquelles la carpe avait immédiatement identifié des beignets moelleux couvert de sucre glace. De quoi le rendre prêt à tout, même à admirer des dessins d’enfants.
          Roger, tu ne veux pas m’aider à lui faire comprendre qu’il pourrait nous émietter ces délices ?
Roger arriva d’un coup de nageoire corail, en maugréant contre la gourmandise de son compagnon.
          Tu es vraiment en dessous de tout ! On s’en fiche, des beignets, regarde plutôt ce qu’il a amené : un chien à bascule ! Il est magnifique, tout en fourrure grise, avec un collier doré ! Je crois bien que c’est le fameux Bijou dont tout le monde parle. Il parait que c’est le jouet préféré du gamin ! C’est un grand honneur, qu’il l’ait amené jusqu’à nous…
          Mais oui, mais oui, mais moi, je préfèrerais avoir l’honneur des beignets… regarde… ils m’appellent de leur sucre mignon…
Roger sorti sa tête bicolore de l’eau, pour jeter un œil au dessin du petit prince.
          Dis-donc, il a drôlement progressé, ce dessin est d’une pureté incroyable… Tu sais pourquoi il nous le montre avec tant d’insistance ?
          Non, je comptais sur toi pour nous le dire,
          Ah oui, c’est vrai, c’est moi qui suis doué..
En éclatant de rire, Roger s’approcha de l’enfant pendant que Stanislas, vexé, regagnait le fond du bassin à grands coups de queue furieux.
Il regarda les yeux sombres, concentra toute son attention sur le front doré de l’enfant, projeta sur lui toute son énergie. Rapidement, il se senti emporté par les pensées joyeuses du gamin. Il se mit à virevolter dans un espace lumineux, argenté, dans lequel semblaient flotter des sphères transparentes. Dans cette exubérance colorée, il lui sembla discerner le projet du petit : aller découvrir la montagne, et les associer à cette découverte.
          Ah Stanislas, tu vas encore râler ! il veut nous emmener à la montagne !
          Mais il est fou, on vit ici, dans ce bassin, on y est bien ! Comment il veut nous transporter ?
          Euh… Je crois qu’il veut que nous partions tous sur le dos de Bijou..
          N’importe quoi, ce chien est un jouet ridicule, on il nous emmènera pas plus loin qu’un arc de cercle et tout ça va nous faire rater l’apéro ! Mais qu’est-ce qui se passe ?
Avant que les deux carpes aient pu réagir, une épuisette les avait cueillis et délicatement transvasés dans un gros bocal. Roger et Stanislas, immobiles, les yeux exorbités par la surprise, se sentirent soulevés et se retrouvèrent sur le dos du chien Bijou. En battant des mains pour manifester sa joie, le gamin se mit à califourchon derrière le bocal et regarda fixement Roger.
          Ah, je crois qu’il veut me dire quelque chose…
Le poisson se laissa aller, essayant autant que possible de se détendre, pour favoriser la communication avec l’enfant. Depuis le bocal, c’était moins facile que depuis le bassin et ils passèrent de longues minutes à se regarder, les yeux bleu clair de la carpe scrutant les étoiles d’or des pupilles noires du bambin
          Stan’, je crois qu’il faut que nous fermions les yeux…
          Ah non, je ne vais pas me laisser dicter ma conduite par un enfant, aussi mignon soit-il !
          Ne soit pas ridicule et ferme les yeux…
Les deux carpes Koï fermèrent les yeux, et le gamin, satisfait, fit de même.

          Aaaaaah…. Mais c’est quoi ?
Stanislas se trouvait face à de la neige. La couverture blanche et légère sur laquelle reposait le bocal en refroidissait le fond.
          Mais non ! je veux retourner au bassin !
Des flocons se mirent à tomber dans l’eau et Roger, hypnotisé, essaya de les gober.
          Mais t’es con, on ne peut pas gober la neige, elle fond dès qu’elle touche l’eau !
          Lâche-moi deux minutes,  je veux jouer aussi, moi !
Vexé, Stanislas parti bouder dans le fond du bocal, laissant Roger faire des petits sauts pour attraper les flocons que répandait le petit prince sur le bocal.
          Tu vois ? On a voyagé en fermant les yeux ! Ce chien est magique !
          M’en fous, on est en train de rater l’apéro ! Et moi, je voudrais voir la mer ! 

Le visage collé au bocal, le gamin observa les deux poissons. Ses yeux et son nez paraissaient énormes et son rire rebondissait sur les parois de verre. Un peu désorientés par toutes ces nouveautés, les carpes se tapirent au fond et attendirent. Un battement de paupières plus tard, ils étaient face à un récif de corail. Autour d’eux, des poissons multicolores s’ébattaient et des algues ondulaient gracieusement  au rythme d’un courant léger.
          Ah… ca c’est mon gamin ! On n’est pas mieux, là ? Regarde ! Des cousins !
Pour la première fois de leur vie, Roger et Stanislas, à l’abri de leur bocal, purent prendre l’apéro en compagnie d’autres poissons, sous le regard attentif de l’enfant, toujours juché sur son chien Bijou.
          Dis-donc, et si on essayait un truc ?
Et Stanislas, mis en joie par l’alcool de coquille d’huitres que lui avaient fait goûté ses nouveaux amis, chuchota à l’oreille de Roger :
          La lune…
Roger n’eut pas le temps de protester et un battement de paupières plus tard, le bocal, ses deux occupants, le chien Bijou et le gamin dévalaient la pente d’un cratère gris. Dans le ciel au-dessus de leurs têtes, ils distinguaient une sphère bleue.
          La terre! Regarde, c’est la terre …
La gamin jubilait, son rire léger s’égrenait dans l’eau du bocal. Roger était stupéfait. Il ne cherchait pas à comprendre.
Ils avaient demandé la lune. Un petit garçon rêveur et délicat venait de leur offrir.

carpekoi

 

 

Publié le 31 juillet 2016, dans Extrapolations, Roger et Stanislas, et tagué , , . Bookmarquez ce permalien. 2 Commentaires.

  1. C’est très beau, poétique, un rien déjanté… J’aimerais mieux te connaître. Peut-être devrais-je demander à Bijou ?

  1. Pingback: Le petit prince | Le blog du gecko (bleu)

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