RIP my friend – La fin de nos amours perturbées a sonné
Certes, ma main a glissé, mes doigts n’étant pas assez serrés autour de toi. Certes, la tension des derniers jours a joué, ma patience était pas mal émoussée. Certes encore, l’attraction initiale que j’avais ressentie pour toi avait du plomb dans l’aile et depuis longtemps. Oui, je veux bien entendre que les temps sont durs, la météo pourrie, le quotidien gris et les films soi-disant drôles également pourris. Oui, les céréales bio sont repoussantes et les fruits pas-encore-de-saison plus blets que pleins des fameuses vitamines qui nous manquent cruellement en cette fin Avril.
Mais n’essaie pas de faire jouer les circonstances. Depuis un an que tu abuses, ça devait finir entre nous.
Quand le « plop » sec et net a retenti, j’ai immédiatement su que c’était irrémédiable, définitif. Tu gisais au sol, à quelques centimètres d’une flaque d’eau sale, ta pochette à pois blancs sur fond rouge toutes abîmée, pas lavée depuis des semaines, grotesque tentative de colorer un monde à jamais terni par ton comportement égoïste et erratique. Ton immobilité concluait tout.
Le plus intéressant, c’est que, à l’instar de Jake Gyllenhaal dans « Demolition », je n’ai rien ressenti. Mais alors, rien du tout. Si je devais décrypter le sentiment qui m’a envahie à la vision de ton corps gisant, je dirais « soulagement ». C’est dingue, non ? J’aurais (sincèrement) imaginé un tantinet d’énervement, un agacement de bon aloi. Voir un soupçon de nostalgie. Quelques souvenirs heureux auraient pu affleurer ma mémoire. Mais non, rien d’autre que cette impression soudaine de liberté. Comme si ton ultime chute avait à jamais brisé les entraves qui me reliaient à toi.
Alors que je tendais le bras vers toi pour te retourner, j’étais traversée par la vision d’un lapin joyeux, zig-zagant avec légèreté dans un champ de coquelicots, sa petite queue en pompon frétillant à l’idée de se dorer les moustaches au soleil. C’est te dire mon soulagement.
Mais bon, j’étais dans la rue, il y avait des témoins. Et comme cette (somme toute assez dramatique) scène se déroulait à proximité de mon lieu de travail, j’ai essayé de me comporter en bonne fille. Pas question que les gens me croient dure et sans cœur. Pas question que l’on m’accuse de non-assistance. Et pas question que mes collègues me considèrent comme une dangereuse psychopathe. C’est donc plus mue par la force des choses que par une réelle envie que je t’ai retourné.
Ce n’était pas beau à voir. Le choc t’avait violement défiguré. Des trous étoilés parsemaient ce qui, quelques simples secondes avant était encore la partie active de toi. Le siège de ta capacité à agir semblait totalement détruit. J’ai tout de suite compris que tu étais fini, mais j’ai préféré simuler une tentative de réanimation. J’ai donc appuyé partout où tu étais supposé réagir. Sans succès. Pas le moindre couinement, aucune étincelle de vie.
Dans les moments extrêmes, la capacité humaine à se dédoubler est stupéfiante: pendant qu’une partie de moi essayait vaguement de t’insuffler un peu de vie, une autre partie essayait d’évaluer ce que ta disparition n’allait pas manquer d’engendrer comme problèmes à résoudre. Bon, j’admet qu’une dernière partie envisageait déjà de prendre ton trépas comme prétexte à une bonne crêpe au nutella.
Si tu m’as suivie, Lecteur-Chéri-Mon-Truc-En-Plumes, ça fait 3 parties alors que je parle de dédoublement (qui n’en suppose donc que 2). C’est une forme de rhétorique alimentaire visant à minimiser l’acte d’ingestion de nutella à une heure indue pour ce type d’action.
En parcourant d’un doigt exempt de tremblements les stries qui recouvrent dorénavant ce qui était lisse, j’ai compris que je ne n’allait même pas te regretter. J’ai d’ailleurs décidé de voir comment ma vie allait tourner sans toi. Toi et tous tes congénères. C’est dans une phase nouvelle que j’entre en ce dimanche.
Une phase de petits bouts de verre dans les oreilles et d’écran tactile devenu fou (ben oui, une écran tactile en morceaux, ça danse la gigue au moindre micro mouvement). M’en fous. Je suis bien au-delà de ta tyrannie.
Et ne va pas trop te plaindre, tu étais prévenu, le glas avait d’ailleurs pas mal déjà donné l’alerte. C’était par là « Pas de ça avec moi »
La fin de nos amours perturbées a sonné, et toi tu ne sonneras plus…
Lecteur-Chéri-Mon-Mug-Préféré, si tout ça a l’honneur de t’amuser un tantinet, je ne peux que t’encourager à poursuivre l’exploration de toutes les aberrations de notre quotidien par ici « L’Agonie »
Evidemment, tu es cordialement invité à nous faire part de tes propres (et même les sales) expériences, tu verras, quand on se sent moins seul dans l’adversité, le chocolat devient moins tentant. C’est ce que j’appelle « la transitivité affective ». J’te bise.
Publié le 17 avril 2016, dans Extrapolations, et tagué amour, geckobleu007, téléphone. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.
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