Archives Mensuelles: février 2017

Amour et coups de fouet

Lecteur-Chéri-Ma-Boule-De-Glace-Caramel,

Il ne t’a pas échappé que cette semaine, c’était la St Valentin. L’écœurante débauche de cœurs, cartes, sucreries et autres gadgets variés allant du rose bébé au rouge pétasse m’a amenée à une profonde réflexion sur les aspects historiques de cette fête (jusque-là considérée par mes services comme bêtement mercantile).
Stupéfaction.
A en croire internet, ce Dieu du savoir universel, la St Valentin plonge ses racines dans le pire de la dépravation humaine. Sans déconner. Voilà le topo :
D’abord, j’apprends que dans la Rome ancienne, la St Valentin consistait à pourchasser les jeunes femmes dans les rues pour les fouetter avec des lanières de peau de chèvre. Non, rien ne justifie un comportement violent, idiot, sexiste et méprisant, n’en déplaise à l’homme orange récemment installé à la maison blanche. On dit que le chemin le plus court pour aller d’un point A à un point B est la ligne droite et j’en conviens aisément. Mais je ne vois pas quel chemin ivre a pu, même  à travers les siècles, mener d’une flagellation publique avec un matériau puant à un innocent envoi de cœurs par la poste. L’homme est-il oublieux à ce point ? On dirait bien.

Dans la foulée, je découvre avec horreur que les mêmes romains, le 14 février, composaient au hasard des couples de jeunes gens (innocents) pour des jeux érotiques qui étaient célébrés partout dans Rome. De la partouze légale, pratiquée au vu et au su de tout le monde. Loana et sa scène de la piscine peut aller se rhabiller, quelle bande de petits joueurs le loft… Si la téléréalité avait existé à l’époque, l’homme orange qui squatte la maison blanche aurait pu prétendre à l’Olympe…

A côté,  la déclaration fébrile d’amour, le restaurant chic ou le bouquet de roses rouges sont ri-di-cules et affreusement hors sujet. D’autant plus stupides que seulement poussés par l’agenda. Saint Valentin mon fondement, donc. Orgies, partouzes et perversion, plutôt. Homme du 21è siècle, petite chose totalement ignorante des origines de ce qui fait ton essence et ton quotidien, tu devrais avoir honte…
Notons au passage que Cupidon, ce doux dodu angelot décocheur des flèches de la passion  est à l’origine un gros pervers qui ne pensait qu’à faire souffrir ses cibles, se gaussant de plonger d’innocentes victimes dans les affres de la douleur amoureuse.

Je prends peur rien qu’à l’idée de découvrir qui est vraiment le père Noël…

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Help

Je m’appelle Mathilde et je suis prisonnière. Je ne sais pas depuis combien de temps, j’ai perdu le compte des nuits. Je ne sais même plus en quelle saison nous sommes. J’aurais dû me méfier de cette femme, mais elle avait l’air équilibrée, drôle, elle avait une vie sociale, des centres d’intérêt… tout pour me séduire. Quand je l’ai choisie, je sortais d’une relation assez simple avec un enfant de douze ans qui ne rêvait que foot, mangas et vacances à la mer. C’était reposant, mais sans grand intérêt. Je ne suis ni passionnée de foot, ni spécialement versée dans la BD. Avide de me renouveler, je l’ai quitté sans regrets, au cours d’une nuit agitée qui m’a amenée à percuter les rêves de Sandra.

Sandra… belle, soucieuse de son apparence, des bottes à hauts talons, des dessous en dentelle, de bons vins, des soirées arrosées,…  Ça semble futile, mais je me sentais irrésistiblement attirée par ce piment. J’ai cédé à un moment de sa nuit où elle oscillait entre rêve éveillé, semi-conscience boostée au champagne et désespoir à l’idée du réveil matinal. Quand, dans l’obscurité confortable, on sait que la journée à suivre sera longue, parsemée de micro-siestes et où il faudra à tout prix éviter le contact avec une surface réfléchissante quelle qu’elle soit. La voir se débattre dans ce moment de fragilité m’a séduite.

J’ai donc intégré la vie nocturne de Sandra, jonglé avec quelques bulles de champagne, profité des  délirants rêves éveillés qu’elle se faisait. Ça aussi, ça m’a séduite. Qu’une femme de sa classe se rêve en princesse redresseuse de torts, en walkyrie du bureau, en déesse de la salle de sport, ça m’amusait.  Elle m’a eue par le rire, Sandra. Ce premier contact a été fou et j’étais tellement soulagée de quitter le foot et les maillots en matière synthétique…

Il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir que cette nuit était un leurre. Une erreur dans mon existence, une parenthèse dans la vie de Sandra.

Sandra est insomniaque. Je me suis vite engluée dans le décompte de ses nuits sans repos. Comme elle, je suis ivre de la fatigue de la veille obligée. Des heures passées à guetter les quelques minutes de sommeil qui me permettraient de changer d’hôte. Parfois, je sombre dans une inconscience lourde pour me reprendre hébétée, percluse des courbatures de la vie de Sandra. Mes yeux piquent du sable de ses doutes, mes jambes tremblent de ses angoisses et mon ventre est tordu par son stress.

Je titube sous le poids de sa vie consciente, alors que je n’ai pas vocation la connaître. Ses problèmes de cœur, de boulot, de famille, ses frustrations, m’asphyxient lentement. Moi, mon credo, c’est de profiter des moments de relâche où vos cerveaux s’affranchissent de la raison, de surfer sur vos inconsciences. Je suis faite pour explorer les méandres inaccessibles de vos esprits, je m’alimente de  vos subconscients. Mais il me faut votre sommeil.

D’où je vous écris, je me trouve condamnée à visualiser sans fin le cinéma nocturne de mon hôtesse. Coincée dans les replis de la couette, ivre du parfum de son impuissance à trouver le repos.

Je m’appelle Mathilde, je vis dans les rêves. Je suis prisonnière. Si vous me lisez, c’est que j’existe encore. Aidez-moi.

#reves