Archives Mensuelles: mars 2017

Philosophie mathématique

Lecteur-chéri-ma-betterave, cette semaine fut riche en découvertes variées…

Le meilleur pour le début: je déniche le « Pi-day », le jour de célébrer la constante π (3.14 et des brouettes pour  ceux qui ne sont pas sûrs) (c’est le 14 Mars, logique, non?) http://www.piday.fr/ . Trop cool, j’ai toujours été fascinée par Pi. Sans déc’. Mais du coup, je m’interroge, pourquoi pas l’infinite-day? Le jour du sympbole « infini ». (un 8 allongé, si tu n’es pas sûr ). Ce serait assez logiquement le 8 Août.
Poétique, non, le jour de l’infini? Un peu celui de l’infinie connerie, comme celui où on découvre qu’il existe des amis prêts à donner 10.000€ par an pour des vêtements. En liquide. (les sous en liquide, pas les vêtements, quoiqu’un vêtement liquide présenterait un intérêt certain). Forcément un esthète. Ou un amoureux mystère. Un fan transi de sentiments purs, qui ne trouve pas d’autre moyen pour les exprimer que celui de donner à l’objet de sa passion une allure de gravure de mode (oui, parce qu’à ce prix là, un costume doit au minimum te transformer en P.C (P.C pour Prince Charmant, grand fou que tu es, je n’évoque pas là un parti sulfureux aux couleurs du sang).
Du jour du pis en tenue fluide pour objet du désir.

Autre découverte majeure (non vérifiée, je serais trop déçue que ce ne soit pas vrai) « si vous êtes en conflit avec quelqu’un au travail et que vous gaspillez votre temps à savoir comment vous venger au lieu de penser à l’important projet sur lequel vous travaillez, vous allez vous retrouver avec une synapse superstar pour des complots revanchards mais un esprit peu innovateur. » (je précise vite fait que ce travail du cerveau se fait la nuit) Trop classe. 2 informations stupéfiantes ici:
1 – Les synapses sont des entités douées de qualités ou de défauts, comme une armée quasi-infinie (enfin, de moins en moins infinie avec le vieillissement, d’où l’intérêt d’une journée dédiée à l’infini). Nos cerveaux sont le siège de hordes barbares prêtes à en découdre. Ca doit être ça, le « surmoi ».
2 – On peut téléguider son cerveau en le faisant travailler nuitamment sur les sujets qui nous semblent les plus importants. Fut un temps où les publicitaires traquaient le « temps de cerveau libre » http://www.acrimed.org/Le-Lay-TF1-vend-du-temps-de-cerveau-humain-disponible,
Maintenant ils vont pouvoir investir nos nuits et nos rêves. Instiller dans les méandres gris de nos cervelles ce qui nous motivera le lendemain. Nous ne sommes pas loin d’y parvenir https://www.sciencesetavenir.fr/sante/hacker-le-cerveau-la-menace-ultime_27990
Brain Hacking, la menace est donc lancée. Infini, t’es si mal, oserais-je lancer dans un moment de pure poésie homéopathique.
Déprime. Je préfère encore me draper d’un costume aqueux de pi. Alors là, Lecteur-chéri-mon-amour, si tu l’as suivie, je te propose une photo dédicacée de God himself (celui que tu veux)

Je sens que c’est le bon moment: Vu notre intimité croissante, je vais te confier un secret. Approche-toi discrètement du micro. Encore un peu, ne fait pas ton timide.
j2=-1  (j au carré égal moins 1)
Oui. Il faut parfois introduire des contre-vérités pour progresser.
Si on procède par approximation, contre-vérité=mensonge ==> Mentir permet d’avancer. Démo basée sur de puissantes connaissances mathématiques.
Je te laisse méditer là-dessus, je vais marcher sous la pluie, je n’ai plus rien à me mettre.

Working dead

La seule pensée qui m’occupe l’esprit est que j’aurais dû suivre ma première impulsion. Celle du matin, qui me susurrait tendrement de ne pas aller bosser, de prétexter une migraine, un lumbago ou le décès de la boulangère. Tout pour éviter le long ruban mou et gris de l’ennui.
Un peu tard.
Là, je suis dans la salle d’impression, les pieds dans le sang. Pas le mien, c’est déjà ça. Il est 23h47, mes souliers de cuir fauve font trempette dans le liquide rouge et poisseux qui s’échappe en flot continu du crâne d’un homme, étendu mollement sur la moquette gris chiné. Ce que c’est moche, les trucs chinés…
Comment ai-je pu en arriver là ?

Tout a commencé par un mail qui m’enjoignait à produire un document qualifié de FONDAMENTAL pour une réunion IMPORTANTE. On comptait sur MOI. J’avais 24h.
A vrai dire, j’avais anticipé. Le document dormait sur mon bureau depuis quelques jours. Je n’avais qu’à l’agrémenter de formules puissamment trouvées et j’aurai l’air du parfait collaborateur, fiable, efficace et discret. Comme d’habitude.
1h plus tard, il ne restait qu’à imprimer mon dossier pour le remettre à la secrétaire. Après quoi, je pourrai aller déjeuner tranquillement au japonais, m’offrir un tiramisu maison et aller me balader au bord de la Seine. Il faisait beau et mon boulot important du jour était terminé. J’étais l’efficacité incarnée.
C’est devant l’imprimante que les choses ont commencé à déraper. Le gros bloc de plastique et de métal, imperturbable et inaccessible, nanti d’écrans et d’emplacement pour s’identifier, refusait de produire mes feuilles. J’ai d’abord pensé que je m’étais trompé et suis retourné lancer l’ordre d’impression. Toujours rien. A peine un faible clignotement orange.

Un coup d’oeil à ma montre. J’avais encore le temps avant de sortir déjeuner. Quelques minutes, employées à cavaler d’une imprimante à une autre. Après quatre tentatives infructueuses, il a fallu se rendre à l’évidence : le système me narguait. Plus d’autre choix que de faire appel à un être de chair.
Tapi sous l’appellation « SOS informatique », l’humain se tient prêt à intervenir. Mais pas à l’heure du déjeuner. Quinze minutes de répondeur plus tard, il me fallait faire une croix sur le tiramisu maison. Encore vingt minute de plus, le temps d’une conversation surréaliste et de tests agaçants, et je devais renoncer au tiramisu, à la balade ET à mon dossier papier.
Ca m’a énervé.
Exceptionnellement, je suis descendu défendre ma cause au bureau de SOS-informatique, pour y trouver quelques clowns en train de déjeuner, de boire du café ou de visionner des vidéos. Personne ne semblait ému par mon problème. Avec le recul, je pense que ça m’a encore plus énervé.
J’en ai choisi un pour l’exemple et je l’ai contraint à faire l’effort de s’occuper de moi. Dans un silence de mort, je l’ai vu faire quelques manipulations, puis changer de couleur.
– On a un problème…
A partir de là, ils ont commencé à s’agiter et m’ont jeté dehors. Dans la précipitation, j’ai oublié mon badge. Je m’en suis rendu compte un peu tard, une fois coincé dans le SAS entre deux couloirs… je ne pouvais plus accéder nulle part. Il me fallait attendre que quelqu’un sorte. Ce fut long. A croire que ces types n’ont jamais besoin d’aller aux toilettes… J’ai pu récupérer mon badge quand toute l’équipe quittait les lieux. « Exceptionnellement pour un apéro de service », excités à l’idée d’aller boire des bières en meute dans un restau minable du coin, et déblatérer sur leurs collègues absents. Lamentables.

17h. Je remonte à mon bureau, plusieurs messages me demandent l’état d’avancement du dossier. Je décide de l’envoyer par mail, tant pis pour la procédure. Le document étant volumineux, il met du temps à charger. Dans l’énervement croissant, je relance mon ordinateur. Je sais que c’est idiot, mais je le fais quand même.
Le téléphone sonne au moment où j’entre mon mot de passe, me faisant me tromper une première fois. C’est un appel du destinataire du dossier. Je m’agace, me trompe une seconde fois. Je raccroche, excédé, je me trompe une troisième fois. Ecran verrouillé. Je ne peux plus accéder à rien. Il est 18h et les idiots « SOS » sont sans doute déjà ivres et de toute façon loin.
Mon seul espoir est que l’imprimante me crache ce dossier.
J’y retourne. Je m’identifie. Je vois mon document dans la file d’attente. Victoire ! J’appuie sur le bouton… rien… un nouveau clignotement, rouge cette fois. Il faut rajouter de l’encre.
L’étage est vide, à l’exception de la secrétaire qui attend mon dossier pour rentrer faire à manger à ses gosses. Elle aussi, est énervée, mais après moi. Et non, elle ne sait pas ajouter de l’encre, mais « SOS »… oui, je sais.

Il faut dévisser un panneau. Par chance, je sais dans quel bureau trouver un couteau qui peut me servir de tournevis. Evidemment, je suis occupé à  fouiller un tiroir quand passe quelqu’un qui va immédiatement imaginer que c’est moi, le voleur de fournitures de l’étage. Tant pis, je verrai ça demain. Mais ça m’énerve. Et quand, énervé et les gestes brusques, je me trouve tordu sur l’imprimante pour ouvrir la trappe d’accès à l’encre, mon badge sort de ma poche et glisse sous un meuble.
Je respire bruyamment. Il me suffit de décaler le meuble. Il est gros, mais je dois pouvoir y parvenir.
En fait, non, il me faut un levier pour le décoller du mur. Il est 19h, j’ai faim, je suis hors de moi. Je trouve néanmoins la solution : je vais dévisser la lame du massicot et m’en servir de levier. 19h30, muni de la lame, je m’efforce de décoller le meuble du mur. Je suis en sueur, la salle d’impression est dans le désordre le plus total et c’est à ce moment que se pointe un gars du « SOS », de retour du bar. Il dégage une odeur de houblon qui m’énerve. Il me reconnait immédiatement. Je dois avoir l’air menaçant, hirsute et muni de la lame, parce qu’il recule et se répand en excuses. Il invente une fable sur des derniers tests à faire avant de quitter les lieux et part en courant.
Je décide de mettre de l’ordre dans ma tenue. Et j’ai la main dans le pantalon quand arrive la secrétaire. Les yeux fixés sur ma main, elle m‘annonce qu’elle ne peut plus attendre, puis fait demi-tour et j’entends son pas précipité dans le couloir.
Donc, demain je suis voleur et pervers.
20h. Aucune nouvelle du SOS. Je décide d’appeler. Au moins qu’il débloque mon accès au réseau…
20h30. Il m’a dit qu’il allait me rappeler, mais je le soupçonne d’être parti. Sans badge, je ne peux pas descendre vérifier mes soupçons. J’en ai marre et de décide de partir, moi aussi.  Avant, il me faut récupérer le sésame, mon badge. Je me réattaque au déplacement du meuble.
20h45, je suis arc-bouté sur le meuble quand le type de la sécurité passe pour sa tournée de vérification. Je n’ai pas de badge pour prouver mon appartenance à l’entreprise et le désordre ambiant le rend soupçonneux. Peut-être lui a-t-on signalé qu’un employé se comporte bizarrement à l’étage.
21h30. Je ne sais plus comment les choses se sont passées exactement, mais j’ai enfermé le type de la sécurité dans un local technique que j’ai verrouillé avec mon couteau.

Le gars du SOS se pointe, la gueule enfarinée, pour relancer l’imprimante. Le début de mon dossier sort de l’engin.

Je lui demande m’aider à déplacer le meuble, il va s’exécuter, mais les cris de mon prisonnier le figent. Il lâche le meuble, qui retombe mollement et se vide de son contenu sur l’imprimante, cassant au passage le réceptacle de mon dossier et déchirant les feuilles de mon dossier.
Le gars du SOS ri de sa maladresse.

A ce moment, je suis sorti de mon corps. J’ai vu mon bras attraper la lame du massicot et effectuer un moulinet en direction du gars du SOS.

Il est 23h47. Pour la première fois de ma carrière, je ne suis pas irréprochable.

Nous sommes tous Sonny Wortzik
(pour info, si tu n’en as plus la mémoire, lecteur chéri-mon-toast-à-la-confiture-de-rhubarbe, Sonny est le héro de « une après-midi de chien »)