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Je m’appelle Mathilde et je suis prisonnière. Je ne sais pas depuis combien de temps, j’ai perdu le compte des nuits. Je ne sais même plus en quelle saison nous sommes. J’aurais dû me méfier de cette femme, mais elle avait l’air équilibrée, drôle, elle avait une vie sociale, des centres d’intérêt… tout pour me séduire. Quand je l’ai choisie, je sortais d’une relation assez simple avec un enfant de douze ans qui ne rêvait que foot, mangas et vacances à la mer. C’était reposant, mais sans grand intérêt. Je ne suis ni passionnée de foot, ni spécialement versée dans la BD. Avide de me renouveler, je l’ai quitté sans regrets, au cours d’une nuit agitée qui m’a amenée à percuter les rêves de Sandra.

Sandra… belle, soucieuse de son apparence, des bottes à hauts talons, des dessous en dentelle, de bons vins, des soirées arrosées,…  Ça semble futile, mais je me sentais irrésistiblement attirée par ce piment. J’ai cédé à un moment de sa nuit où elle oscillait entre rêve éveillé, semi-conscience boostée au champagne et désespoir à l’idée du réveil matinal. Quand, dans l’obscurité confortable, on sait que la journée à suivre sera longue, parsemée de micro-siestes et où il faudra à tout prix éviter le contact avec une surface réfléchissante quelle qu’elle soit. La voir se débattre dans ce moment de fragilité m’a séduite.

J’ai donc intégré la vie nocturne de Sandra, jonglé avec quelques bulles de champagne, profité des  délirants rêves éveillés qu’elle se faisait. Ça aussi, ça m’a séduite. Qu’une femme de sa classe se rêve en princesse redresseuse de torts, en walkyrie du bureau, en déesse de la salle de sport, ça m’amusait.  Elle m’a eue par le rire, Sandra. Ce premier contact a été fou et j’étais tellement soulagée de quitter le foot et les maillots en matière synthétique…

Il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir que cette nuit était un leurre. Une erreur dans mon existence, une parenthèse dans la vie de Sandra.

Sandra est insomniaque. Je me suis vite engluée dans le décompte de ses nuits sans repos. Comme elle, je suis ivre de la fatigue de la veille obligée. Des heures passées à guetter les quelques minutes de sommeil qui me permettraient de changer d’hôte. Parfois, je sombre dans une inconscience lourde pour me reprendre hébétée, percluse des courbatures de la vie de Sandra. Mes yeux piquent du sable de ses doutes, mes jambes tremblent de ses angoisses et mon ventre est tordu par son stress.

Je titube sous le poids de sa vie consciente, alors que je n’ai pas vocation la connaître. Ses problèmes de cœur, de boulot, de famille, ses frustrations, m’asphyxient lentement. Moi, mon credo, c’est de profiter des moments de relâche où vos cerveaux s’affranchissent de la raison, de surfer sur vos inconsciences. Je suis faite pour explorer les méandres inaccessibles de vos esprits, je m’alimente de  vos subconscients. Mais il me faut votre sommeil.

D’où je vous écris, je me trouve condamnée à visualiser sans fin le cinéma nocturne de mon hôtesse. Coincée dans les replis de la couette, ivre du parfum de son impuissance à trouver le repos.

Je m’appelle Mathilde, je vis dans les rêves. Je suis prisonnière. Si vous me lisez, c’est que j’existe encore. Aidez-moi.

#reves

Publié le 3 février 2017, dans Extrapolations, et tagué , , , , , . Bookmarquez ce permalien. 2 Commentaires.

  1. Cher Geckobleu, J’ai été absent quelque temps pour cause de grippe et j’ai raté plusieurs de tes posts. Je te promets que je vais essayer de rattraper mon retard.

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