Une blonde au marathon de New York…
New-York…. la grosse pomme… le mythe de la ville-lumière…
Le marathon… la grande course… le mythe des 42,195 km (ou aussi 26,2 miles ; le détail a son importance).
Donc cette année, en période pré-hivernale grise et maussade où la crise rivalise avec les mauvaises nouvelles pour faire de notre quotidien un stress permanent, il est temps de prendre la tangente et de vivre de nouvelles expériences. Un jumelé d’expériences à vrai dire : découvrir NY et y courir le marathon le plus célèbre du monde. Rien que ça.
8 mois d’entraînement, de souffrances diverses, de questions aussi pertinentes que « vais-je y arriver ? », « serai-je capable d’aller au bout ? », « comment vais-je m’habiller ? » ou encore « mais pourquoi ai-je pris cette décision ? » et enfin… le grand départ. Même pas peur des grèves Air France ni de la tempête de neige. J’y vais.
C’est grand, New-York. Et ça regorge de sites intéressants ou cultes à voir. La première impression est celle, très prégnante, de se trouver soi-même au cœur d’un film ou d’une série TV. Beaucoup de points de vue sont connus, on surfe allègrement d’une scène de « la fièvre du samedi soir » à une autre de «Taxi driver » sans oublier « King Kong » ou, bien sûr le fort à propos «Marathon man »… On est déjà une star, en quelque sorte. Mais une star qui a mal aux pieds. Parce qu’à NY, l’activité principale reste la marche à pied. On sillonne, on trace, on fonce d’un endroit à un autre ; mais aussi on fait du surplace dans les musées, on piétine dans les boutiques, on tourne sur soi-même à Time Square. En un mot : on s’épuise. C’est plutôt cool. Sauf avant de courir 42km et 195m….
Donc le jour J, après avoir usé 2 paires de chaussures et tous les muscles, tendons, ligaments, ongles de mes jambes et pieds, je décolle une paupière engluée de sommeil à …4h du matin, pour un petit déjeuner sommaire. Je n’aime pas manger au milieu de la nuit…
Des navettes récupèrent les coureurs ensommeillés essaimés dans la ville et les amènent au point de départ, sur Staten Island. Précision : nous sommes déversés sur le site entre 5h30 et 6h30 pour un départ prévu par vagues entre 9h40 et 10h40. L’herbe est givrée, le soleil se lève péniblement et il faut trouver un endroit pas trop bruyant et à peu près sec pour passer les 4h à venir. Heureuse d’avoir apporté des sacs poubelles… Autour de moi, les gens sont endormis dans des duvets, se massent les pieds avec des crèmes miracles, mangent des substances étranges. A ce stade, il vaut mieux les ignorer que de s’interroger à l’infini sur leur préparation qui a l’air radicalement meilleure que la mienne (je ne mange rien, n’ai pas de crème miracle et suis en train de bouquiner au soleil…)
9h30 : préparation finale ; quitter ses vêtements chauds, se motiver, se désencastrer du béton et du grillage qui ont servi de fauteuil, lâcher son livre, se motiver, manger une banane et boire un peu, se motiver… y aller, motivée…
Les slots de départ sont bien organisés, on ne se piétine pas et on le temps pour les ultimes préparatifs. Les gens se parlent, commentent leurs différentes courses, énoncent leurs espoirs de temps. Ceux qui, à mon instar, on passé les jours précédents à crapahuter ne visent pas la performance ; l’ambiance générale est à l’aspect festif et à l’envie de participer.
10h10 ; on part au son de « New-York New-York » ttp://www.youtube.com/watch?v=ltPvWx5MaXA
La traversée du pont du Verrazano se fait dans la liesse et les congratulations ; un hélicoptère filme les héros du jour qui agitent leurs bras en direction du caméraman. Moi aussi ! Bien sûr, j’ai envie de passer à la télé. Et à la réflexion, si j’y suis passée, il valait mieux que ce soit au départ qu’à l’arrivée… J’ai déjà mal aux articulations des chevilles et au mollet gauche. Ca promet…
Les 10 premiers kilomètres sont faciles et rigolos. Le monde promis est là, à acclamer les coureurs, banderoles, panneaux, crécelles… même NYPD semble se réjouir de l’évènement. Tous les miles, un ravitaillement en eau et tord boyaux (Gatorade) ; les petits enfants sont tous fiers de tendre les gobelets aux participants. C’est fun, je parle à des gens, prends des photos, filme l’évènement.
21 km, le Pulaski Bridge ; pas spécialement renommé dans le cadre de la course. Pour moi ce pont signe le début de la fin. Mes restent21 km (un semi marathon) qui vont me sembler 210… La traversée du Queens se passe à espérer une amélioration des sensations assez douloureuses qui parcourent mes jambes. La foule de part et d’autre des coureurs porte et empêche de s’arrêter. On n’a pas envie d’avoir l’air petit joueur… Mais c’est là que je réalise que les ravitaillements sont uniquement en eau. Pas de sucre ni de fruits secs. Sans eau sucrée je suis perdue… par chance un spectateur brandi des barres snickers! Je lui arrache littéralement de la main le précieux chocolat, prête à assommer quiconque se trouverait sur ma route. Il en va de ma survie…
La bouche gluée de caramel et de cacahouètes, je reprends vie quelques minutes. Se profile le pont du Queensboro.
En passant dessous 2 jours avant en bateau, j’avais bien perçu le vent froid qui le parcourt. Cette désagréable sensation s’est confirmée : il fait 1135mètres et chacun des mètres est en plein vent ; j’ai froid, mal aux jambes, ne suis absolument pas digne : je veux que ça cesse. Mais Spiderman n’est pas là pour me donner un coup de main. J’aurais voulu ça comme dépannage : http://www.youtube.com/watch?v=mSCnucFTgMM . Mais j’ai dû continuer par mes propres moyens, à savoir mes pieds.
A la sortie du pont, nous avons parcouru 25km. Il en reste donc 17. C’est ici que j’ai décidé de cesser de compter. C’est ici aussi que les miles sont devenus inconvertibles en km par mon cerveau. Trop d’endorphines ont dû brouiller certains circuits.
A ce sujet, on peut lire sur le web ce qui suit :
« Les effets de la sécrétion d’endorphines : Euphorique. Cet état particulier est décrit par les sportifs comme un moment d’euphorie, de spiritualité, de puissance, de grâce, de déplacement sans effort, de vision momentanée de la perfection, de flottement dans l’irréel. Les coureurs de fond parlent d’extase. Cet état persiste après l’arrêt. »
Je tiens à préciser que je ne me suis à aucun moment sentie euphorique (sauf après le passage de la ligne d’arrivée), spirituelle, puissante (plutôt misérables entre les km 25 et 35…), encore moins gracieuse, que le moindre mouvement demandait un effort surhumain (même changer le volume de mon mp3), que je n’ai été visitée par aucune vision de perfection (si ce n’est celle de ma grande bêtise d’avoir marché 9h par jour pendant les 4 jours qui ont précédé la course) ; par contre, cette notion de « flottement dans l’irréel » a été très présente ; l’irréalité de ma présence dans un évènement international de renommé mondiale… associé à un profond sentiment d’incohérence : mais pourquoi traverser l’Atlantique dans le but de souffrir ? Quand à l’extase… oui, elle persiste après l’arrêt. Dès qu’on retrouve son lit chaud et ses pantoufles fourrées…
1ère Avenue : 5 km de large et droit bitume en plein soleil. Jamais je n’aurais imaginé que l’on puisse prendre un coup de soleil en Novembre. Eh bien si. Moi en tout cas… La largeur de l’avenue fait que l’espace entre les coureurs augmente ; grand moment de solitude… et pas moyen de se mettre à marcher discrètement : on est archi-visible et la foule est en délire. J’ai haï la première avenue. Je la hais toujours.
20 Miles. Le monde est concentré sous mes baskets et mes jambes semblent être des volcans en ébullition prêts à en finir avec l’humanité.
35km. La conversion importe peu ; les larmes me montent aux yeux : encore 7 km et mes jambes ne m’appartiennent plus. J’ai bien essayé de marcher mais c’est impossible : ça fait encore plus mal. Donc je coure. Enfin « je coure »… l’allure générale doit être celle d’une grenouille asthmatique en proie à des convulsions…
On longe Central Park ; ça monte… les gens marchent autour de moi. Un monsieur brandi un panneau qui dit « Pain is temporary, Pride is forever » (la douleur est passagère, la fierté dure) il a raison… d’autres inscription nous annoncent qu’à ce stade, abandonner est une non-option, que nous sommes des héros et que les gens nous aiment. S’ils pouvaient nous donner du sucre pour nous le prouver… Mais c’est encourageant et très honnêtement ça aide à concevoir l’idée que la ligne d’arrivée n’est pas un mirage.
40km, dans Central Park ; horreur : je vais mettre 1h de plus que mon dernier marathon. Je ne visais pas la performance, mais un tel écart… et ces 2 derniers km me semblent avoir la malignité de s’autoprolonger sous mes pas… Central Park est le théâtre de plein de films romantiques ; jamais je n’aurais imaginé que cet endroit puisse se révéler aussi détestable. Mais où donc se trouve la ligne d’arrivée ?
800 yards indique un panneau ; je n’ai aucune idée de ce que ça représente en mètres. En vrai 730. Mais à ce moment là, j’ai eu l’impression d’en parcourir 5000… nous contournons Central Park ; pleins d’humour, les organisateurs ont dû déplacer la ligne d’arrivée : ce n’est pas possible, elle semble s’éloigner de moi…
400, puis 300 yards, 200… la ligne est visible… un dernier effort, un ultime bond… CA Y EST !!!!! JE VIENS DE COURIR LE MARATHON DE NEW YORK !!! Yes I can !!!!
Nous avons une petite demi-heure de surplace pour récupérer médailles, ravitaillements et vêtements de rechange ; emballés dans des couvertures de survie, nous avançons vaillamment ; autour de moi, plein de gens tombent d’épuisement.
Il m’a fallu marcher 2h pour retourner à l’hôtel… pas de bus en vue et je n’ai pas eu le courage de partir au hasard des rues chercher un métro… Mais j’avais réussi !!!
Publié le 12 novembre 2011, dans Extrapolations, et tagué marathon, new-york, sport. Bookmarquez ce permalien. 4 Commentaires.
Je viens de lire ton périple marathonien. Je suis heureux et fier pour toi. Bravo… Bravo …
Au fait je l’ai lu et j’écris avec une chanson de Félix Leclerc dans les oreilles « Ailleurs,.. » les yeux un peu heureux de ce que je vis du plaisir quoi….
Bravo, tu aurais pu essayer en rollers et en mode discret,
A vrai dire je voulais me déguiser…. vu ma contreperformance, je n’ai pas regretté d’être restée sobre…
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