Alice au pays du merdier
Ou encore « Suivre les chiens de cristal »
et oui, Lecteur-Chéri-Mon-Jedi, moi aussi j’ai vu Star Wars.
Et donc j’ai appris que dans la vie, il faut suivre les chiens de cristal qui vous emmènent loin des méchants, vers l’extérieur, puis vers un avenir meilleur.
Depuis, je cherche les chiens de cristal. Evidemment, ça ne court pas les rues. D’où l’idée que pour un avenir florissant, il faut se donner un peu de mal. Trouver les chiens en premier lieu. Mais attention, parabole. Ça peut être toute autre sorte de structure vivante. Pourquoi pas un escargot, un phasme ou une grenouille bleue (ça existe). Ce qui nous rapproche d’Alice qui, elle, a choisi de suivre un lapin.
Aujourd’hui, Alice suivrait un Shiba (chien japonais très à la mode) vêtu d’un jean slim d’où sortirait un caleçon gris à élastique rouge. La classe. Il ne serait pas équipé d’une montre de gousset, mais un i-phone à obsolescence programmée. En panne de batterie, en retard, le clebs, perdu, désorienté, privé de ses amis facebook, errerait en plein désarroi dans la ville hostile.
Alice s’ennuie dans son abribus dépourvu d’écran, aussi quand elle voit passer le Shiba éperdu en slim, elle saute sur l’occasion de le suivre. L’animal à la bourre progresse de plus en plus vite, à la recherche d’une prise de courant, talonné par Alice. La pluie mélancolique se met à tomber, privant le clebs de son flair légendaire. Il relève la truffe et le voilà qui tombe dans une bouche d’égout d’où pourtant dépasse la tête d’un homme en orange, au casque blanc. Alice marche sur la tête de l’homme, glisse sur le casque et choit sans fin dans les égouts parisiens. Elle fini par se heurter à un matelas de guimauve qui stoppe sa chute. Elle ne le sait pas encore, mais il s’agit du postérieur d’une femme sans âge, qui a remisé sa graisse des vingt dernière années par derrière elle, n’ayant pas les sous pour une liposuccion. Furieuse, la femme énorme abat sa main gigantesque sur Alice, qui est sauvée in-extremis par un individu chafouin qui la pousse hors du fessier infernal.
– Malheureuse! ne sais-tu pas à qui tu as à faire? – vocifère le malingre –
– Quoi?
– C’est la Gardienne des Travailleurs des Egouts! Tu ne peux pas passer par là sans CONTRAT DE TRAVAIL!
– Mais je suivais un chien!
– Les chiens ont des contrats à vie, il doit bien rigoler maintenant qu’il t’a amenée là! Si tu veux poursuivre ou repartir, il te faut un contrat!
– Et comment je l’obtiens?
– Ah ça, personne ne sait exactement… il faut d’aborder prendre rendez-vous avec le grand Bachibouzouk…
Et voilà Alice en route vers la cahute du Grand Bachibouzouk.
– Monsieur, donnez-moi un contrat de travail, je veux poursuivre ma voie!
– D’abord, il te faut faire 10 ans de travaux forcés, dans les mines de boue du roi du Nougat, après quoi, il te faut une formation d’arracheuse de dents et 25 ans de pratique de saut à la corde. Reviens me voir avec les documents attestant que tu as fait tout ça et on verra.
Alice fait tout ce qu’on lui demande et reviens voir le Grand Bachibouzouk, pour constater qu’il a été remplacé par une autruche rose qui se prend pour Liberace . Elle lui montre ses papiers, devenus obsolètes, et l’autruche hurle de rire, ses dents de diamants renvoyant des éclairs cryogénisants.
– Insolente! Pour qui te prends-tu à imaginer obtenir un contrat de travail sans rien faire? Va donc balayer l’autoroute sur 1000km et reviens me voir. En attendant, tu travailles gratuitement et si je ne suis pas satisfaite de toi, je te plonge dans de la cire liquide et les plumes.
N’ayant pas d’autre choix, Alice s’exécute. Elle balaye pendant 15 ans et reviens, pour constater que l’autruche, maintenant habillée comme Liberace et à la tête d’un orchestre de grenouilles bleues (on y vient…), est devenue présidente de la république, qu’elle maîtrise les médias, le fisc et la loi du travail. En la voyant revenir, la présidente se roule par terre de rire et l’envoie aux galères des égouts, ou la pauvre fillette passera 10 ans à ramer seule sur des eaux saumâtres et puantes, avec pour objectif d’obtenir l’égalité « hommes gauchers- femmes droitières » et le droit à avoir la grippe une fois tous les 20 ans sans perdre son boulot. Après cela, l’autruche, aphone à force de se moquer de la naïveté de la gamine, lui concèdera un contrat de travail de 3 jours non renouvelable, qui lui permettra d’accéder à un pont suspendu pourri, supposé la ramener à la surface. La pont, très fragile, permet de traverser par dessus la fosse aux sangsues, objet de cauchemar de tous les habitants des égouts, même le terrible Megalox, le Dieu du faux amour pour femmes en détresse.
La fosse aux sangsues est un endroit sordide, un trou sale ou croupissent des employés de bureaux rendus furieux d’avoir vu réduire de 5mn leur pause déjeuner. Extrêmement agressifs, ils se sont mis à sucer le sang des sans-contrat-de-travail qui essayent de se plaindre, et qu’on leur lance en poussant des cris barbares.
Alice se risque sur les premières planches pourries du pont où l’attend un phoque très gras armé jusqu’au dents qui lui demande 50 millions d’euros comme droit de passage. Alice pleure et sort un mouchoir de sa poche, laissant tomber dans le précipice sa seule richesse: une boîte souvenir qui appartenait à son grand-père. De grosses larmes coulent de ses yeux sur ses joues, se transforment en balles turquoises qui suivent la boîte dans sa chute.
– Plonge et récupère cette boîte pour moi, susurre le phoque, je suis tout-puissant, j’appartiens à la Fédération des Imbéciles Sans Coeur et rien ne peux m’empêcher d’avoir ce qui est mon bon plaisir! La FISC est impitoyable, te devras céder, ne m’oblige pas à te mettre une amende de 1000 ans de Cyril Hanouna, de travaux forcés en écoutant des disques de Céline Dion ou de lecture de Marc Levy!
– Mais non, c’est impossible ! C’est tout ce qu’il me reste et j’ai peur de plonger dans la fosse aux sangsues…
Le phoque est impassible, son regard fixe lui fait si peur que, contrainte de s’exécuter, Alice plonge dans le noir. Rien ne peut faire ployer la FISC.
Elle chute une seconde fois, pour atterrir sur un sein géant. Un cri de folle s’échappe du fin fonds des égouts et la main gigantesque essaie de l’écraser sur la chair molle.
– Tu ne prendras pas ma place, gémit la femme énorme, j’ai mis 55 ans à obtenir ce boulot de grosse-qui-bouche-le-passage et j’y tiens! Il me reste 125 ans à faire pour finir de payer la hutte de paille où je dors, je n’ai pas le droit à l’erreur, dégage de là! Débrouille-toi seule pour avoir ton contrat de travail…
Après avoir prononcé ces terribles paroles, elle fondit en larme, en proie aux souvenirs de sa vie sans contrat de travail, images affreuses dont son cerveau est imbibé. Alice pose sa petite main sur l’énorme sein de la dame pour la réconforter et saute au sol, ou l’attend, surgi de la gorge de la grosse, un serpent doré qui l’hypnotise de ses yeux spiralés. Ses anneaux épais sont enroulés autour de la boîte d’Alice.
-Bonjouuuuuuur peeeeettiiiiiite fille, tu veux récupérer ton bien, la boîte-souvenir, seule chose qui compte à tes yeux? il te faudra une preuve de domicile en 5 langues dont 2 anciennes, une carte d’identité de moins de 10mn valable pour un siècle (sauf s’il pleut, auquel cas reporte-toi à l’alinéa 12 de la loi 1258 de code du travail) et 3 lingots de bouse de yack.
– mais, monsieur, vous savez bien que les yacks ont disparu de la surface de la terre depuis 50 ans…
– sinon, tu peux me montrer ton contrat de travail…
– mais monsieur…
– Tais-toi, impudente! Déjà que tu ne sers à rien, arrête de geindre! tu peux aussi danser la polka en peau de bête, en t’accompagnant d’un tambourin en souffle de phasme!
C’est est trop pour Alice, qui décide d’abandonner son seul bien au serpent. Elle repart sans la boîte-souvenir, renonce à affronter le gros phoque de la FISC et patauge dans l’eau croupie en quête d’un peu de compassion. Elle ne le sait pas encore, mais la compassion est un bien précieux, introuvable en ces lieux glauques. Sans jamais avoir signé de contrat de travail, elle mourra seule sous Paris, en proie à des visions apocalyptiques ou des présidents tous-puissants font circuler sur eux des fake-news hégémoniques, obligent les enfants à lire Balzac à l’envers pour obtenir leurs diplômes, et promènent des journalistes muselés en laisse. Elle n’aura jamais vu de chien de cristal salvateur.
Moralité: le cinéma vous ment…
Publié le 14 janvier 2018, dans Extrapolations, et tagué alice au pays des merveilles, chien de cristal, fake-news, grenouille bleue, histoire courte. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.
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