Archives Mensuelles: octobre 2015
Big Data – la femme en cases, suite
Lecteur-Chéri-My-Love,
Il y a peu, je bramais seule au fond des bois mon désespoir de me voir transformée en cases pour prétendre trouver du boulot. (Pour rappel, j’ai passé un « test de personnalité » en ligne avant un entretien – c’est ici)
Je suis sortie des bois (il a commencé à pleuvoir et ma peine étant soluble, il a fallu couper court à son infiltration dans les nappes phréatiques.)
Le couperet est tombé (j’ai eu le résultat du test) et c’est une guerrière belliqueuse, avide du sang des faibles et des paresseux, prête à tout pour atteindre son but, infatigable et totalement insoumise à la hiérarchie qui t’écrit depuis son nid d’aigle, ce dimanche.
C’est comme ça que je suis perçue par l’ordinateur.
C’est donc comme ça que les gens qui croient l’ordinateur s’attendent à me trouver. Inutile ici de préciser qu’ils en onteu pour leur argent. Je n’aime pas décevoir. Niark-niark…
Si un ordinateur (bien mal élevé) est capable de percevoir la douce créature inoffensive que je suis comme un danger pour tout l’étage « comptabilité » d’une entreprise, la question à se poser est naturellement : « mais qui diable croit l’ordinateur » ? Hélas, en ces temps troublés où Facebook et Google régissent nos vies, il apparaît que plein de gens croient l’ordinateur…
D’où le grand danger du Big-Data.
Les effets immédiatement perceptibles de Big-Data (en des temps qui paraissent bien lointains, d’autres avaient imaginé Big Brother) sont par exemple : Je crée un profil Linkedin et trois malheureux jours après, l’ordi propose de me mettre en relation avec un chirurgien esthétique. Je le jure. Il a suffi à cette infernale machine 3 jours pour décider que je suis trop vieille pour continuer mon existence comme ça.
Mais « Big-Data », c’est quoi-t-est-ce, t’entends-je t’inquiéter…
Pour faire vite, j’ai interrogé mon ami Wikitruc (par ce que, hélas, moi aussi je crois l’ordi) qui dit entre autre :
« Les big data, littéralement les « grosses données » désignent des ensembles de données qui deviennent tellement volumineux qu’ils en deviennent difficiles à travailler avec des outils classiques de gestion de l’information. L’explosion quantitative de la donnée numérique contraint à de nouvelles manières de voir et analyser le monde. Les perspectives du traitement des big data sont énormes et en partie encore insoupçonnées ; on évoque souvent de nouvelles possibilités d’exploration de l’information diffusée par les médias, de connaissance et d’évaluation, d’analyse tendancielle »
Pour faire une bête analogie, imagine, Lecteur-Chéri-My-Darling, que tout (mais alors, vraiment tout) ce que as dit, pensé ou écrit un jour est conservé dans un gros-énorme container. Ajoute à ça tout ce qui te concerne (taille, âge, poids, habitudes alimentaires, adresse, téléphone, films préférés, couleur de chaussettes et j’en passe). Tout ça pour tous les gens du monde.
Imagine que ce gros container classe, trie, analyse tout ça, pour en tirer (entre autres) des stats à but lucratif (mais pas lucratif pour toi). Tu as maintenant une petite idée de ce que Big-Data représente.
Ca m’a donné une idée.
Soyons audacieux et couplons Big-Data, Google glasses et reconnaissance faciale (ça, c’est le truc qui va permettre de t’identifier sur toutes les photos qui circulent sur internet) pour générer le système de délation mondiale le plus performant du monde.
Voilà le topo :
Tu vois quelque chose qui ne te plait pas. Aujourd’hui, tu as le choix entre te taire et passer comme si de rien n’était ou réagir. Ce second choix étant fortement corrélé avec le gabarit de la personne à engueuler. Demain, Big-Data te permettra d’agir tout en restant dans l’ombre.
Par exemple :
-Tu vois des glands sur un banc qui balancent leurs sacs de chips vides et leurs canettes par terre. Tu fais une photo discrète avec tes Google-glasses et tu balances sur Facebook. En 35 secondes, les glands sont identifiés, leurs signalétiques envoyés à la maréchaussée et moins de 1mn30 après, les flics surgissent pour verbaliser.
– Une mémé te grille dans la file à la boulangerie et rafle le dernier pain au chocolat aux amandes dont tu rêves depuis 24h. Hop ! Photo et envoi direct au médecin de la vieille, qui la flanque à l’hosto pour 1 semaine. A la diète évidemment.
– Un gosse hurle dans le bus à côté de toi ? Hop ! photo et le momichon est immédiatement porté sur la liste des enfants à problèmes, direction la maison de correction à la moindre incartade.
Les bénéfices de ce système tout connecté sont sans fin…
Avoue qu’on nage en plein rêve, là, Lecteur-Chéri-Mon-Caillou ? Je te donne le monde de demain. Ne me remercie pas, ça ferait de moi une rénégate…
L’homme en cases versus le singe peintre
O tempora O mores!
Avant de prétendre passer un modeste entretien pour une modeste mission de 3 modestes mois, il faut maintenant passer un test de personnalité en ligne (bientôt disponible sur ifaune). Ou comment internet, à grands coups de coolitude et sous couvert de faire gagner du temps, devient non seulement encore plus intrusif (comme si c’était possible), mais aussi encore plus discriminant. Test de personnalité en ligne? Cela signifie 70 questions auxquelles il faut répondre dans un minimum de temps, pour ne pas « se départir de sa spontanéité ». Je t’en foutrai, moi, de la spontanéité, quand tu viens de passer 1h à charger ton CV sur des sites de recherche d’emploi qui essayent de te faire rentrer au marteau dans des cases carrées alors que tout le monde sait que la femme est ronde! Donc déjà, ton CV est tout déformé par les mauvaises cases. En plus, maintenant, on peut construire ton profil à partir d’un QCM dont les réponses, 1 fois sur 2 sont choisies « au moins pire ».
Déformée par les cases et le profil abîmé, je me demande à quoi va ressembler l’entretien. Il vont peut-être m’accueillir directement avec des infirmiers psychiatriques…
Nous voilà, Lecteur-Chéri-Mon-Amour, réduits en petits bouts de formes qui ne nous correspondent pas, disséqués à travers une loupe déformante et en plus, on doit rester polis, enthousiastes et avoir une envie folle de rejoindre ceux qui nous font subir ça (ce dernier point s’appelle « rédiger une lettre de motivation »).
On devrait inverser la tendance et faire des pré-sélections des employeurs potentiels. Créer des QCM pour déterminer le degré de j’m’en-foutisme des DRH, des test de rorschach pour vérifier la compatibilité avec nos futurs boss (pour mémo, ce sont les tâches d’encre qui donnent envie de vomir et de tuer tout le monde, mais il ne faut pas le dire, il faut y voir des fleurs, de jolis petits anges et de l’amour) et pourquoi pas faire passer des tests de résistance aux baffes aux commerciaux chargés de pré-sélectionner les CV? Ce serait infiniment plus juste.
Qu’ils se mettent un peu à notre place:
1 – le mail : Quand dans la boîte mail arrive un message dont l’objet dit « une offre d’emploi pour vous », on bondi. Enfin, au début. Parce que 99% des fois, on a sous les yeux l’offre la plus éloignée de son CV possible. D’où l’idée des baffes. Le crétin surpayé à l’autre bout du net recevra une bonne grosse baffe à chaque erreur de cible. Pour ça, on pourrait se faire aider par la réalité virtuelle; connecter des gants de boxe dans les bureau des recruteurs en ligne.
2 – le RDV: on a décroché un entretien! On se fait beau, on racle le fond d’énergie qu’il nous reste, on l’affiche sur son sourire et on se rend sur place, tout plein d’espoir. Pour s’entendre dire, après 45mn de blabla, que l’on est immédiatement transformé en fiche dans le classeur de la DRH. En fait, elle avait juste envie de prendre un café avec une nouvelle tête. Re les baffes. Ou alors, autre idée, on ponctionne directement sur leur fiche de paye le montant du préjudice moral subi.
3 – le document urgent. On a passé 1 et 2, tous les espoirs sont permis, même le plus fou (celui de rencontrer la personne qui va vraiment décider de bosser avec nous). Mais pour ça, il faut fournir un document urgent (au choix: un CV en Russe, une lettre de motivation de 3 pages, un extrait de cervelet). On se lève la couenne, on veille pour écrire dans une langue inconnue, on s’ampute, et le document part dans les temps. Las, on n’obtiendra jamais de suivi (ben pourquoi faire?).
Je ne vois que j’arrachage de cheveux un par un, suivi du chatouilli dans les narines avec un pinceau en poils de phoques de la banquise (celle qui n’a pas encore fondu). Sur fond du dernier album d’Arielle Dombasle.
4 – l’entretien avec le futur boss. Ca, c’est l’arlésienne. Si j’y arrive, je vous raconterai.
Mais ce qui est marrant et paradoxal, c’est que pendant qu’une partie de l’humanité « pensante » s’emploie à décortiquer son prochain, d’autres s’esbaudissent de trouver en l’animal un artiste, créatif et intelligent.
Ce n’est pas nouveau, et on peut trouver des exemples par là:
http://www.dinosoria.com/animaux-artistes.html
http://www.tillamookcheddar.com/work/index.html
http://www.francetvinfo.fr/animaux/pockets-un-singe-capucin-peintre_36611.html
Que penser sans avoir l’air parano? Que l’homme (et par extension la femme) n’est bon qu’à être catégorisé pour être mieux exploité par ses pairs publicitaires et banquiers? Et que toute forme d’humanité sensible est en passe d’être transposée au monde animal? L’homme devient robot et l’animal, pas encore perverti par la technologie, pur et exempt de toute forme de calcul, est celui par qui le futur humain-mécanique transcendera sa sensibilité.
La planète des singes nous rattrape, mais personnellement, je préfèrerais que ce soit le muppet-show, au moins on pourrait rigoler…
https://www.youtube.com/watch?v=zCRUPWDIgYM

