Archives Mensuelles: novembre 2015

Avatar, surmoi et inconscient virtuel: ton moi fantasmé

ange-demon

Après le Big-Data qui dissèque ta vie non virtuelle, Lecteur-Chéri-Mon-Amour, je te préviens aimablement qu’il vaut mieux que tu te tiennes à carreau… Va pas, dans un stupide mouvement d’humeur mal contrôlé, ruiner ce qui constitue, au royaume de la toile, le marqueur de ton intègre personne. Ton e-réputation.
(Ici figure une révélation)
Tadaaaaaaaaaaaaaa! Chants grégoriens interprétés par de jolis colibris dorés, simplement vêtus de shorts à paillettes, accompagnés d’angelots blonds pudiquement protégés par des voiles de soie émeraude, dans une ambiance légère de boules à facettes et leds roses et bleus. Avec des pluies de fraises tagada et des nuages de coton opalescent.
(fin de la révélation)
Quoi? T’entends-je t’étrangler, mon irré… quoi?
Laisse-moi te mettre au parfum rapidement.
Parce que tu le vaux bien.
Depuis des temps pas si lointains, mais qui paraissent immémoriaux, tu navigues allègrement, en toute impunité (crois-tu) sur la toile. Tu t’amuses, tu te déguises et sous couvert d’anonymat, parfois t’autorises quelques menues digressions.
Je ne te juge pas.
Tu as le droit de te promener sur youporn comme bon te semble, ou de t’acheter des sous-vêtements de cuir assortis à la nouvelle déco de ta salle de bain. Sauf que le oueb, outre le fait qu’il croit tout savoir, se souvient de tout. Enregistre tout. Conserve tout. Et… recrache tout, même si c’est mal digéré…
Par le biais de quelques astucieux recoupements, te voilà à la tête d’une masse d’informations qui constituent impitoyablement ton « toi » virtuel. (Passons ici les détails de ce que peux donner un abus de connexions à certains sites). Le problème c’est que, par les temps qui courent, ton TV (Toi Virtuel) est au moins (sinon plus) aussi crédible et important que ton TR (Toi Réel). Si tes amis sont majoritairement des FB (amis virtuels qui postent leurs repas ou leur dernière acquisition en matière de chaussures sur les réseaux sociaux), alors ce qu’ils perçoivent de toi, c’est avant tout ton TV…
Soit un être hybride, mélange de super-héros et de pervers pépère, qui lorgne les grosses voitures polluantes et consomme du bio. Un truc un peu comme ça…

gayluron PP

Freaky, isn’t it? Avant, on se créait un avatar pour pavoiser le long des avenues de l’avenir numérique, maintenant, nous voilà rattrapés par l’avatar… D’ici à ce qu’on se mette en 4 pour lui ressembler… Parce qu’admet, Lecteur-Chéri-Mon-Nougat, que cet avatar peaufiné depuis des années a un petit goût de fantasme…
Tu trouves qu’on était pas déjà assez encombrés par un moi, un sur-moi, un ça, un conscient, un inconscient et un subconscient, v’là-t-y pas maintenant qu’il faut se coltiner un avatar, conscient virtuel, moi fantasmé?
Laisse-moi te prédire l’avenir, Lecteur-Chéri-Mon-Avatar, l’avenir, c’est des psys spécialisés dans l’analyse des avatars. Ils iront chercher l’inconscient de tes fantasmes dans ta collection de photos Instagram. Et accorde-moi une dernière prédiction: ça sera pas joli-joli…

sticker-tour-eiffel-

L’internaute-roi

Je ne sais pas si tu as remarqué, Lecteur-Chéri-Mon-Amour, à quel point les journalistes TV, radio, parfois presse font référence aux « internautes »? Sans arrêt « et, qu’en pensent les internautes », « qu’en disent les internautes ?, « selon les internautes »…
Et l’internaute, Lecteur-Darling-My-Stony, c’est toi, c’est moi, c’est surtout l’autre, celui qui, tapi dans l’ombre de son infâme virtualité, se sent libre de laisser cours aux remugles de son esprit malsain bourré de charcuterie qui rend fou.
Nous sommes peu de choses et le web fait loi.
Débordés, envahis, gavés jusqu’à l’explosion, nous sommes soumis à la loi de la toile gluante. Les araignées velues et vénéneuses qui la tissent ont colonisé nos âmes numériques et transformé nos rêves d’enfants en fantasmes technicolors aux dents pourries découvrant des sourires hystériques et noirs d’encre (de Chine, redonnons à César ce qui appartient à Lao Tseu).
Mais, t’entends-je t’offusquer, elle perd les sens, en ce dimanche, sous les derniers rayons mordorés du soleil vieillissant, face à des cieux dont la couleur ensanglantée n’est pas sans rappeler celle d’un bon steak désormais banni de nos auges ?
Non, je te rassure illico-presto-subito, j’ai conservé toute mon intégrité intellectuelle. Je me borne à faire des constats. La suprématie du net, le bras armé de l’internaute, la loi du planqué qui a des sous pour matraquer ta conscience fragile et avinée.
Tout ce qui suit a été, bien sûr, vérifié par huissier. Ce ne sont que de menues preuves de la déviance automatique, big-datesque et monayable ambiante.

Constat numéro 1 :
Tu es une fille, d’un âge plus élevé que celui de ta petite nièce de CM2, tu habites une grande ville et tu établis un réseau professionnel, tu es donc…. A la recherche d’un chirurgien esthétique

Constat numéro 2 :
Tu es une fille d’un âge plus élevé que celui de ta petite nièce de CM2, tu habites une grande ville et tu établis un réseau professionnel, tu es donc…. A la recherche d’un coach sportif au corps oint d’huile de coco, aux abdos en xylophone et au sourire empreint de la stupidité lubrique la plus inconvenante qui soit.

Constat numéro 3 :
L’internaute-roi est celui qui s’exprime haut et fort. Il a le droit de dire tout et n’importe quoi (j’en suis la preuve, mais en ce qui me concerne, la qualificatif « Roi » ou « Reine » ne s’applique pas vraiment : Je continue de voter à gauche). Si sa plume est reconnue par un nombre suffisant d’internautes plébéiens, il sera amené à obtenir droit de vie et de mort. Sur des vivants. En effet, nos amis les bloggeurs constituent actuellement un vecteur de la critique culturelle incontournable. Sollicités, invités, suppliés de publier leurs opinions. Sauf que de critique, ils n’ont que l’étiquette autocollante qu’ils ont eux-mêmes fait imprimer via vistaprint (en plus c’est gratuit).

Constat numéro 4 :
Depuis Astérix, le peuple veut du pain et des jeux. Depuis le net, l’internaute a des jeux à foison. Et l’internaute, Lecteur-Darling-Mon-P’tit-Loup-Garou, il a fini par faire comprendre qu’il ne veut que des jeux qui le font rire, mais de préférence sans trop réfléchir. Alors les vivants, après être resté longtemps raides comme la justice, se sont mis à ployer. Et nourrissent l’internaute à coups de rires gras et facile.

Et ça marche ! Pour preuve, cette vidéo destinée à faire comprendre les raisons de la grève des audiences depuis le lundi 19 octobre 2015 pour dénoncer le projet de réforme de l’aide juridictionnelle (prend 1mn pour cliquer de ton doigt gourd, chéri, ça vaut le coup d’œil)
http://www.normandie-actu.fr/video-des-avocates-de-rouen-en-colere-rejouent-%C2%AB-catherine-et-liliane-%C2%BB_163988/

J’aurai tendance à saluer l’initiative et la réalisation, mais dans le même temps à pleurer de dépit, parce que oui, aujourd’hui, on est presque obligés de biaiser par le rire pour se faire entendre. Certes, Lecteur-Darling-My-Sweet-Cupcake, il est salutaire de rire de tout.
Mais à ce rythme, bientôt, on ne rira plus de rien…
Galvaudé, rabaissé, le rire ne sera même plus le propre de l’homme (avec un peu de bol, il restera le propre de la femme). Et nous commencerons alors le retour aux source. L’homme descendais du singe, il a commencé à y remonter…

chimp2