Le bourgeois gentilhomme
Avec François Morel
Peut être est-ce ma culture BD, mon goût pour le kitch et les délires bon enfant, mais j’ai cru reconnaître quelque chose des « dingodossiers » ou de « trucs en vrac » dans ce Bourgeois. Comme si Goltib et Goscinny s’étaient emparés du texte de Molière pour en faire un spectacle jubilatoire tout en conservant la causticité du sujet.
Dans le rôle de M Jourdain, François Morel explose littéralement ; avec une extrême justesse, il sait rendre la bêtise et l’aveuglement du personnage, sans sombrer ni dans le ridicule, ni dans la férocité.
Tout Morel est Jourdain et le regard que l’on perçoit si l’on est (comme je l’ai été) assis tout près de la scène est bien celui du personnage de Molière. Stupide, inculte, irréfléchi, tout entier porté par la volonté de s’élever socialement et culturellement pour se faire aimer, il succombe à toutes les farces moqueuses de son entourage.
Les différents maîtres sont bien campés, ridicules à souhait, imbus d’eux même et ne percevant en leur élève qu’un moyen de s’enrichir ou de briller. La palme au philosophe dans la scène délirante de la prononciation des voyelles.
L’orchestre, installé sur la scène, joue Lully et les morceaux chantés et dansés renforcent le côté délirant des rêves et volontés de M Jourdain.
La servante est plus rusée que sa maîtresse et la femme plus avisée que son mari, les hommes sont tous en quête de l’avantage qu’ils pourront tirer du maître de maison. La marquise est idiote, l’ami est cupide, la fille un peu candide, le futur gendre prêt à tout… Au milieu de ces personnages cartoonesques, la femme de M Jourdain réussi à conserver une forme de d’hystérie raisonnable …
La mise en scène pare Jourdain de tenues extravagantes, de maquillage outrancier et l’envoie vivre avec candeur les situations les plus ubuesques. Plus les ficelles sont énormes, plus M Jourdain se laisse berner, tout occupé qu’il est à croire l’impossible. Il subit tout dans ce spectacle, l’apothéose étant la scène de l’adoubement final, au cours de laquelle il se trouve dévêtu et entouré de personnages inquiétants qui n’ont de cesse de le rendre ridicule et vain.
Les comédiens nous offrent au cours de cette scène un numéro dansé flamboyant, dans une débauche de plumes, de costumes délirants et de rites « barbares », véritable lâchage extravagant que seul M Jourdain est suffisamment candide de croire. Mais tout épris de sa propre ascension, il finira au sens strict par s’élever au dessus de ceux qui le raillent.
Morel prolonge avec délice les situations cocasses et y apporte avec malice des détails de jeu qui emmènent monsieur Jourdain au-delà encore de ce que l’on croyait connaître de lui. Bien que central, son personnage laisse à l’ensemble des protagonistes l’occasion de nous faire rire et de nous surprendre encore.
Après une journée glaciale et difficile (voir ici), la troupe du « Bourgeois » a réussi un exploit inattendu : rendre des gens heureux !
Publié le 4 février 2012, dans Extrapolations, et tagué françois morel, le bourgeois gentilhomme, molière. Bookmarquez ce permalien. 1 Commentaire.
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