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Underground de banlieue
Pour des raisons indépendantes de ma volonté et auxquelles l’envol pérpihéen n’est pas étranger, je me trouve dans l’obligation temporaire de me déplacer grâce aux sacrosaints « transports en commun ».
Petite précision importante: en des temps immémoriaux, j’étais la déesse de la circulation RATP, connaissant à fond tout le plan, sachant comment aller d’un endroit à un autre en nombre de stations, la démarche souple et altière, professionnelle de la resquille et reconnaissant à l’odeur les stations traversées. Gloire ancienne très vite oubliée.
Le challenge du jour est donc de renouer avec mon prestigieux passé de globe-trotter underground.
Première étape et non des moindres: localiser la gare. C’est incroyable à quel point une gare peut devenir transparente, voir inexistante, dans l’environnement d’un pilote de deux roues (le terme « pilote » est employé ici à dessein).
Une fois dans la gare, trouver le guichet.
Enfin, ça c’était dans les années 80. Maintenant, plus de guichet. Une guérite pompeusement baptisée « information » sert de refuge à trois agents de la RATP dont on est en mesure de se demander ce qu’ils font là, étant donné qu’un unique siège est installé face à la vitre qui donne accès au savoir ratpien.Là, on peut avoir un plan, mais pas les petits plans plastifiés super-pratiques, ça aussi c’est devenu collector. Un plan est un truc qui une fois déplié devient récalcitrant à toute tentative de lui rendre sa forme initiale. On a le choix entre deux modèles: le petit, format A4 déplié, et le grand, format A3 déplié, impossibles à utiliser dans des conditions normales (c’est à dire coincé dans la rame, un coude étranger planté dans le plexus et un chignon -étranger lui aussi- chatouillant les narines.
Maintenant, il s’agit d’acquérir un ticket qui permettra le passage aux bornes d’entrée et de sortie des différentes stations de transit. C’est devenu indispensable, vu qu’on ne peut plus sauter allègrement par-dessus le portillon. La RATP qui prône l’exercice des franciliens aurait dû y réfléchir à deux fois avant de mettre en place les systèmes de contrôle…
Nouvelle découverte : en ce XXIème siècle, la carte orange n’existe plus. « Orange » fait maintenant référence à un opérateur téléphonique, un parti politique fantôme, 1/5ème des besoins en fruits/légumes de la journée ou éventuellement une certaine saturation des réseaux routiers. Mais pas du tout à une carte. Je commence à me sentir bien âgée…
Comme le guichet n’existe plus, il faut se plier à l’utilisation du distributeur automatique. Personnellement, je hais les distributeurs automatiques. Tout d’abord parce qu’ils ne parlent pas la même langue que nous, les humains. Ensuite parce que les boutons, rouleaux de sélection et autres touches sont rien qu’à la vue autant de vecteurs de saletés abominables. Ensuite parce qu’ils sont en général peu ergonomiques. Peu ergonomiques pour les gauchers. Je ne sais pas si j’ai acheté les bons billets. Tout simplement parce que je ne fais pas de différence entre un trajet « paris- par RER » au départ de banlieue et un trajet « Paris » toujours au départ de banlieue. A bien y réfléchir il semble que ce soit lié à la destination finale: métro = Paris, mais j’en appelle là à de lointains souvenirs obsolètes…
Une fois en règle (du moins moralement en règle) je me rends sur le quai. Après quelques secondes d’intense réflexion, je décide de choisir le quai de droite, partant du postulat que la rame roule à droite. Comme une voiture.Cherchant à vérifier cette intuition, je jette un oeil au panneau d’affichage et là je réalise que seules sont annoncées les destinations finales des rames. Compte tenu de la structure en araignée malformée du réseau, je suis bien en peine de savoir quelle est la destination finale de la rame qui m’amènera à l’interconnexion à laquelle je dois me rendre. Et là, pour le coup, aucun souvenir. Plutôt un vide sidéral, trou noir et obscurcissement du cerveau au moment précis ou deux rames entrent en gare.Que faire? Sauter dans la plus proche ou courir, traverser le pont et sauter dans l’autre? Ne pas sauter du tout et demander me semble plus sûr, mais du coup je perds 10mn. Et découvre que le RER roule à gauche.
La rame fini par arriver. J’avais oublié que presque 30cm séparent le quai du marchepied. 30 cm en dessous duquel on voit distinctement les rails, les pierres, les souris… pratique pour les petits enfants, les personnes âgées, les personnes chargées… génial en cas de bousculade ou de glissade. Heureusement, une suave vois féminine invite, à chaque arrêt, à prendre garde au gap. Au moins, on est averti…
Bon, m’y voilà, installée, journal dégainé (ah oui, je croyais que toutes les gares avaient leur point presse, quelle naïveté… pourquoi permettre au voyageurs de lire autre chose que 20mn?), me sentant étrangement extérieure à cet univers codé. L’espèce d’amusement bon enfant du début s’est peu à peu transformé en fatigue agacée, avec un pic d’énervement à la 8ème minute d’arrêt injustifié deux stations avant mon port d’arrivée. J’aurais mis 1h45 à faire un trajet qui habituellement me prend 35 mn… comme tu me manques, fidèle destrier ….
Petit bulletin du trajet du soir: Découverte de la connexion RER/M14 à Châtelet les Halles. Une foule grouillante circule à un rythme rapide et uniforme, sardines grises au regard torve; il semble y avoir un sens giratoire, des courants bien définis et des règles de comportement obscures. Par exemple, pour intégrer le flux, il faut immédiatement adopter la bonne vitesse sous peine d’être éjecté voir piétiné, sans sommation. Ensuite, hors de question d’aller à contre-sens, ce serait suicidaire. Enfin, si on veut sortir à un endroit précis, anticiper et orienter sa direction longtemps avant la bifurcation sinon le risque est grand de rater le couloir ou de se faire incendier par le ban.…Réminiscences indiennes… Du haut de l’escalator, la vision de ces hordes de gens aux visages vides de toute forme d’expression, exécutant un ballet qui semble réglé depuis la nuit des temps a quelque chose de glaçant. A la sortie Hoche, vision d’une vieille dame qui hésite à se lancer dans la ronde, piétine et marmonne « …ben ils pourraient quand même me laisser passer… »
Petite précision importante: en des temps immémoriaux, j’étais la déesse de la circulation RATP, connaissant à fond tout le plan, sachant comment aller d’un endroit à un autre en nombre de stations, la démarche souple et altière, professionnelle de la resquille et reconnaissant à l’odeur les stations traversées. Gloire ancienne très vite oubliée.
Le challenge du jour est donc de renouer avec mon prestigieux passé de globe-trotter underground.
Première étape et non des moindres: localiser la gare. C’est incroyable à quel point une gare peut devenir transparente, voir inexistante, dans l’environnement d’un pilote de deux roues (le terme « pilote » est employé ici à dessein).
Une fois dans la gare, trouver le guichet.
Enfin, ça c’était dans les années 80. Maintenant, plus de guichet. Une guérite pompeusement baptisée « information » sert de refuge à trois agents de la RATP dont on est en mesure de se demander ce qu’ils font là, étant donné qu’un unique siège est installé face à la vitre qui donne accès au savoir ratpien.Là, on peut avoir un plan, mais pas les petits plans plastifiés super-pratiques, ça aussi c’est devenu collector. Un plan est un truc qui une fois déplié devient récalcitrant à toute tentative de lui rendre sa forme initiale. On a le choix entre deux modèles: le petit, format A4 déplié, et le grand, format A3 déplié, impossibles à utiliser dans des conditions normales (c’est à dire coincé dans la rame, un coude étranger planté dans le plexus et un chignon -étranger lui aussi- chatouillant les narines.
Maintenant, il s’agit d’acquérir un ticket qui permettra le passage aux bornes d’entrée et de sortie des différentes stations de transit. C’est devenu indispensable, vu qu’on ne peut plus sauter allègrement par-dessus le portillon. La RATP qui prône l’exercice des franciliens aurait dû y réfléchir à deux fois avant de mettre en place les systèmes de contrôle…
Nouvelle découverte : en ce XXIème siècle, la carte orange n’existe plus. « Orange » fait maintenant référence à un opérateur téléphonique, un parti politique fantôme, 1/5ème des besoins en fruits/légumes de la journée ou éventuellement une certaine saturation des réseaux routiers. Mais pas du tout à une carte. Je commence à me sentir bien âgée…
Comme le guichet n’existe plus, il faut se plier à l’utilisation du distributeur automatique. Personnellement, je hais les distributeurs automatiques. Tout d’abord parce qu’ils ne parlent pas la même langue que nous, les humains. Ensuite parce que les boutons, rouleaux de sélection et autres touches sont rien qu’à la vue autant de vecteurs de saletés abominables. Ensuite parce qu’ils sont en général peu ergonomiques. Peu ergonomiques pour les gauchers. Je ne sais pas si j’ai acheté les bons billets. Tout simplement parce que je ne fais pas de différence entre un trajet « paris- par RER » au départ de banlieue et un trajet « Paris » toujours au départ de banlieue. A bien y réfléchir il semble que ce soit lié à la destination finale: métro = Paris, mais j’en appelle là à de lointains souvenirs obsolètes…
Une fois en règle (du moins moralement en règle) je me rends sur le quai. Après quelques secondes d’intense réflexion, je décide de choisir le quai de droite, partant du postulat que la rame roule à droite. Comme une voiture.Cherchant à vérifier cette intuition, je jette un oeil au panneau d’affichage et là je réalise que seules sont annoncées les destinations finales des rames. Compte tenu de la structure en araignée malformée du réseau, je suis bien en peine de savoir quelle est la destination finale de la rame qui m’amènera à l’interconnexion à laquelle je dois me rendre. Et là, pour le coup, aucun souvenir. Plutôt un vide sidéral, trou noir et obscurcissement du cerveau au moment précis ou deux rames entrent en gare.Que faire? Sauter dans la plus proche ou courir, traverser le pont et sauter dans l’autre? Ne pas sauter du tout et demander me semble plus sûr, mais du coup je perds 10mn. Et découvre que le RER roule à gauche.
La rame fini par arriver. J’avais oublié que presque 30cm séparent le quai du marchepied. 30 cm en dessous duquel on voit distinctement les rails, les pierres, les souris… pratique pour les petits enfants, les personnes âgées, les personnes chargées… génial en cas de bousculade ou de glissade. Heureusement, une suave vois féminine invite, à chaque arrêt, à prendre garde au gap. Au moins, on est averti…
Bon, m’y voilà, installée, journal dégainé (ah oui, je croyais que toutes les gares avaient leur point presse, quelle naïveté… pourquoi permettre au voyageurs de lire autre chose que 20mn?), me sentant étrangement extérieure à cet univers codé. L’espèce d’amusement bon enfant du début s’est peu à peu transformé en fatigue agacée, avec un pic d’énervement à la 8ème minute d’arrêt injustifié deux stations avant mon port d’arrivée. J’aurais mis 1h45 à faire un trajet qui habituellement me prend 35 mn… comme tu me manques, fidèle destrier ….
Petit bulletin du trajet du soir: Découverte de la connexion RER/M14 à Châtelet les Halles. Une foule grouillante circule à un rythme rapide et uniforme, sardines grises au regard torve; il semble y avoir un sens giratoire, des courants bien définis et des règles de comportement obscures. Par exemple, pour intégrer le flux, il faut immédiatement adopter la bonne vitesse sous peine d’être éjecté voir piétiné, sans sommation. Ensuite, hors de question d’aller à contre-sens, ce serait suicidaire. Enfin, si on veut sortir à un endroit précis, anticiper et orienter sa direction longtemps avant la bifurcation sinon le risque est grand de rater le couloir ou de se faire incendier par le ban.…Réminiscences indiennes… Du haut de l’escalator, la vision de ces hordes de gens aux visages vides de toute forme d’expression, exécutant un ballet qui semble réglé depuis la nuit des temps a quelque chose de glaçant. A la sortie Hoche, vision d’une vieille dame qui hésite à se lancer dans la ronde, piétine et marmonne « …ben ils pourraient quand même me laisser passer… »