La fête est finie
Lecteur-chéri-mon-choix-pas-par-défaut,
Hier, j’ai vu un vétuste ayant vécu, vêtu d’une chemise hawaïenne en matière synthétique, d’un mini-short en sweat gris directement issu des 80’s, de socquettes de tennis bien tendues sur ses mollets grêles, ses pieds dont, allez savoir pourquoi, je les imaginais aux ongles longs et douteux, au large dans des baskets ayant un jour lointain connu la virginale blancheur de la neige. (Putain de phrase, non?). Le vétuste gambadait sur la place du marché, jouant avec les jets d’eau qui s’activent de façon aléatoire. Il riait quand l’eau chatouillait les poils de ses jambes maigrichonnes.
Je suis sûre que c’est un ange déchu. Il en a la dentition.
Quand ma vue délicate croise ce type de spécimen, je suis toujours traversée par une fulgurance au parfum de doute. Est-il possible que la proximité citadine de ce type de look induise une déliquescence de mon sens auto-critique?
Par exemple, ce matin, j’ai encore eu la confirmation que l’épidémie de n’importe quoi progresse autour de chez moi: on me parle de chien « tout à fait décédé » (je passe là sur la « Chartres de qualité » et le « Radisson Blues », parce que je ne suis pas payée pour faire de la pub, moi – ceci est un appel à moitié déguisé…- ).
Est-il possible que ce soit contagieux? Vais-je me mettre à porter des jupes-culotte ocre et des escarpins beige, lire Marc Levy et acheter Gala?
Je dois t’avouer avoir peur. Peur de perdre mes mots, d’en perdre le sens, de ne plus penser juste. 1984, mon cauchemar récurrent depuis l’invention du langage sms. Ma réflexion se délite, soumise à la mitoyenneté de la moyenne, quel émoi.
Je n’ose plus sortir.
Perchée telle la 8è femme de barbe bleue, je scrute l’horizon et ne vois que l’herbe qui verdoit et la route qui poudroit.
Ce qui n’est pas tout à fait exact, pour dire toute la vérité, rien que la vérité, je lève la main droite et je jure. (J’aime bien jurer, surtout en conduisant, mais sois rassuré, je ne lève pas la main droite en telle situation. Je crache. C’est pareil. On dit bien juré-craché…), donc je disais que je vois d’autres trucs depuis mon perchoir. Des ruches, un tram, de la pollution et des perruches géantes (tout est vrai, bien sûr).
J’attends que l’on vienne me délivrer, mais même sur France Inter ils ont mis un jingle pourri pour le 7-9. Où va le monde? Reste-t-il de preux chevaliers prêts à en découdre au nom de la classe, de l’intelligence et du respect?
Je n’ose plus faire la sieste, ces rares moments de calme étant troublés par d’affreux cauchemars dans lesquels Nicolas Hulot fait seppuku face à un portrait de Donald Trump, un ange agonisant convulse de douleur le long du mur ocre de sa prison sans fenêtre et le chien de mon esthéticienne nage avec un petit tuba dans la truffe. Flippant.
Je me sens cernée par l’orthographe douteuse, la grammaire approximative et les mots généralistes (en écrivant ça, je prie pour ne pas avoir fait trop de fautes). Tels une armée de scorpions géants, ils progressent vers moi en me fixant de leurs petits yeux menaçants.
Shakespeare, si j’avais eu 500 ans de moins, nous nous serions follement aimés.
Le mauvais goût les a rejoint.
Je vais crever.
Dans mon délire, je vois passer le vieux, son mini-short flottant au vent de ce vendredi d’apocalypse. Il rit de toutes ses forces, déclenchant une tempête de vulgarité poisseuse dans l’air vicié par la bêtise.
Le glas a sonné, mon lecteur à moi.
C’est ma rentrée et la planète se meurt. Egoïstement, je ne sais pas ce qui est le pire.
Demain, je marche pour sauver le monde https://www.facebook.com/events/1911533922247320/
Si ça s’avère nécessaire, je te prie d’organiser une marche pour me sauver, dès la semaine prochaine.
Ch’t’ai kiffé.
Publié le 7 septembre 2018, dans Extrapolations, et tagué apocalypse, peur, rentrée. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.
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