Le parisien est maso
Lecteur-Chéri-Mon-Amour, si tu es parisien et prends le métro, tu n’auras pas manqué de faire un constat édifiant. (Si tu es en province ou à l’étranger ou sur une autre planète, je te rassure le même constat va venir vers toi -au passage, si tu es d’une autre planète et me lis, je te fais ici une vibrante déclaration d’amour virtuel. Sache néanmoins que je ne suis pas représentative de la moyenne, ne t’inquiètes pas. Les autres sont beaucoup plus tordus-)
Pourquoi le métro? Par ce que c’est l’endroit par excellence où on a le temps de regarder les affiches publicitaires. Spécialement les grandes mosaïques qui présentent les spectacles en cours. Si tu es parisien mais ne prend pas le métro, tu auras aussi peut-être fait ce constat, mais pour ça, il faudrait que tu t’intéresses aux colonnes Morris. Le problème, c’est que tu as moins de temps de cerveau disponible pour t’en imprégner, vu que tu est totalement absorbé par la bordée d’insultes que tu envoies (ou reçois), le coup de fil que tu passes (ou reçois), le regard de velours que tu envoies (ou reçois) au type qui occupe la place de l’abribus que tu convoites (la place, pas le type).
Donc, le théâtre à Paris.
Si on aborde le sujet d’un point de vue statistique, c’est un tantinet effrayant. 80% des spectacles actuellement proposés aux parisiens traitent
1) des vicissitudes de la vie de couple,
2) des vicissitudes de la vie de célibataire.
Sachant que ces derniers ne visent qu’à former un couple, par transitivité on est au 1). Le reste sont des one-man/one-woman shows qui s’expriment globalement sur eux, leur vie de couple, leur vie de célibataire et parfois sur l’actualité, mais comme ça demande à être renouvelé, c’est moins fréquent. Bravo au passage à Frederick Sigrist pour son spectacle, qui m’a fait hurler de rire. Même si (je confesse) il parle un peu de sa vie de couple.
La preuve de ce que je raconte, Lecteur-Chéri-Mon-Loukoum? la voilà, aimablement fournie par un lecteur assidu, que je nommerai PTPL et qui se reconnaîtra peut-être. Sache, lecteur assidu, que grande est ma gratitude pour ce cliché pris au péril de ta vie.
C’est triste, non? La folle vie nocturne de la capitale tourne autour de la pénibilité du couple. Comme on n’oblige pas le public à aller au théâtre, on peut imaginer que le dit public aime, lorsqu’il sort le soir, s’entendre raconter son quotidien, et plonger joyeusement le nez dans sa propre merdre. Il fait même ça de son plein gré. Un peu comme si, en sortant d’une réunion de travail bien pénible, on choisissait de prendre un café pour faire un break salvateur, mais avec les participants de cette réunion, pour « debriefer ». (Si ça fait résonner des trucs chez toi, Lecteur-Chéri-Ma-Pâte-à-crêpes, c’est normal. Ca fait AUSSI partie du quotidien).
On se plaint, mais on en redemande.
Ou alors, comme c’est tout ce qu’on maîtrise et que (c’est bien connu) l’inconnu fait peur, on marine dans le connu et on se sent en sécurité. Et, je te le donne en mille, on est content d’aller, le soir, s’assoir dans une salle aux fauteuils de velours rouge, rire plus fort que tout le monde à ce qu’on voit sur scène et qui présente ce qu’on n’ose pas dire à l’autre. (« L’autre » désignant pudiquement ici le conjoint, cet être honni qui se trouve assis juste à côté de soi et qui rit aussi, pour ne pas pleurer de désespoir).
C’est un cercle vicieux: Si le public n’aimait pas, on peut supposer qu’il n’irait pas voir ces spectacles et que donc, par effet de bord, les thématiques présentées changeraient. Mais ces spectacles fleurissent et attirent de plus en plus d’incontournables vedettes, qui se font donc le vecteur de la merde, vu que le public, ce gentil chien-chien obéissant, va où on lui dit d’aller et de préférence renifler le derrière des vedettes. Qui se prélassent dans les émissions de télé et de radio, attirant par là encore plus de public avide de merdes, et de vedettes avides de succès.
Le public serait donc un maso qui aime se rouler dans la boue formée par ce que sa vie à de moins enviable? (D’un autre côté, on ne l’oblige pas non plus à lire Marc Levy et Paulo Coelho… )
Corollaire: les salles sont pleines de gens qui viennent se repaître de la merde des vedettes (qui on peut le supposer, sont comédiens, et donc ne vivent pas, eux, ces situations) avant de rentrer chez eux réfléchir à l’intrusion soudaine de l’art dans leur salon (voir leur chambre à coucher). Car oui, à ce niveau, on peut dire que l’art (si c’en est) a une vertu, thérapeutique, à l’instar de l’eucalyptus pour le koala. Cette forme d’art crée une accoutumance qui permet de s’immuniser.
Mais alors, si on veux s’immuniser contre les cons, me feras-tu remarquer, Lecteur-Chéri-Ma-Fleur-En-Sucre, toi qui penses à tout, c’est simple, il faut s’entourer de cons et de conneries?
Je te laisse seul juge de ce que tu fais de ta vie…
Sur ce, j’te bise…
Publié le 24 janvier 2016, dans Extrapolations, et tagué couple, frederick sigrist, marc levy, métro, paulo coehlo, theatre. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.
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