Archives Mensuelles: décembre 2015
Le non-esprit de Noël
Lecteur-Chéri-Mon-Amour, toi dont la perspicacité et l’esprit caustique ne sont plus à prouver (oui, je me flatte de croire que si tu me lis, tu es proche de la perfection…), tu as sans doute remarqué que cette année, l’esprit de Noël ne flotte pas vraiment sur nos têtes.
Il semblerait que la météo se soit faite copine avec l’actualité pour nous faire comprendre que non, on ne fait pas tout ce qu’on veut impunément.
Alors voilà, loin des paysages délicatement ourlés de blanc et des gros joviaux barbus vêtus de rouge, loin des bonshommes de givre aux nez en carotte et des rennes aux selles de lainage vert et rouge, loin des lutins farceurs coiffés de grelots et des boules brillantes, nous nous retrouvons face au génie malfaisant des publicitaires (oui, ça faisait longtemps que mon ire ne s’était pas retournée contre ces suppôts du consumérisme débridé, esclavagistes de petits chinois, empêcheurs de grossir tranquillement, faiseurs de faux rêveurs).
Comme l’ambiance générale n’est pas à la franche déconnade, mais qu’il faut tout de même que cette mauvaise engeance survive, ils ont réussi à s’infiltrer là où un peu de chaleur humaine et de considérations pacifiques n’eut pas fait de mal.
Cette année, pas d’affiches énormes chantant les louanges des festivités de fin d’année, donc, mais… mais, voyons donc, qu’est-ce qui pourrait rentrer au chausse-pied dans l’espace (sans doute très rémunérateur) laissé libre par les vendeurs de foie-gras, de vins, de jouets, de bijoux, de parfums, de chocolat, de ….
Je n’ose imaginer ce qui se passe dans la tête d’un publicitaire. Une version trash de vice-versa, avec des fantômes gothiques et des beetlejuices aux commandes, sans doute. Tous drogués jusqu’à la moelle et sous puissants psychotropes, riant sataniquement et se déhanchant en strings de cuir au son de yodels démoniaques.
Par ce qu’ils ont fait deux énormes trouvailles.
La première, la plus soft, est là : pour coller à l’air du temps, on veut vous vendre des cadeaux qui ont tout d’un cercueil.
Avoue, Lecteur-Chéri-Mon-Loukoum (oui, tu as comme moi un peu abusé ces derniers jours), que c’est troublant… Comment vendre de la bière à Noël…
La seconde est beaucoup plus pernicieuse. Elle figure sur les culs de bus de Paris et de la région parisienne sous la forme d’une publicité pour … un laxatif. Parce que, oui, les fêtes c’est ça aussi : le transit.
(Je précise ici que j’ai effectué plusieurs tentatives pour te ramener l’image des dits bus, mais que je n’ai pas réussi à dégainer mon appareil photo tout en conduisant mon fidèle destrier. Du coup tu es obligé de me croire. Mais je ne vais pas déclarer forfait, je vais poursuivre mes tentatives)
Trop manger, manger trop gras, ne pas suivre l’adage des « 5 fruits et légumes par jour mangeras » (oui, moi aussi je suis Yoda), mettre de côté le sacrosaint jogging dominical, ça conduit à ça : un embouteillage interne. Réveillons = Constipation. La grande classe.
Et donc, un subtil décalage permet la contextualisation par Dolculax de leur campagne. Sur des gros culs (de bus) par ailleurs. Trop fort. Estomaquée, j’ai cherché qui pouvait faire preuve d’autant de délicatesse et de légèreté. Ca aurait pu être belge, mais les belges ne la ramènent pas trop en ce moment. Et donc, the winner is… Canada ! (pas de grande surprise).
Comme on aime bien les canadiens et leur je-ne-sais-quoi de dérision permanente, on ne va pas s’insurger trop fort, mais quand-même… Un rien de l’esprit détendu des fêtes n’eut pas fait de mal. Va pour le laxatif, donc. En salle de rédaction, ils ont bien dû se marrer. Bref.
Cette année, pas de foie gras ni de portraits du gros barbu, mais des boites de produit pour chier.
O tempora O mores, comme j’aime à le répéter, Lecteur-Chéri-Mon-Beau-Sapin. Foie des gorets.
On ne va s’arrêter en si bon chemin. Je ne devrais pas jouer les étonnées, j’étais prévenue:
Quand les astres s’alignent avec les publicitaires, hélas, on ne peut plus lutter….
Allez, Joyeux Noël Félix!
A toi qui est descendu lire la fin de ce post, je dédie cette ultime marque du bon goût… Dulcolax, la société qui n’hésite pas à bouleverser les codes de la grande classe, c’est là. Accroche-toi… Et méfie-toi: je suis programmée pour entendre résonner ton gros rire infernal…
L’homme-seiche
Les premiers petits tentacules apparus autour de mon nombril auraient dû m’alerter. Mais la vie que je menais, entre obligations familiales, boulot et installation dans la nouvelle maison,m’accaparait tellement que je les ai à peine remarqués. J’ai desserré ma ceinture d’un cran pour leur faire de la place, acheté une petite éponge douce pour bien les nettoyer et les ai intégrés à mon quotidien sans plus y prêter attention.
Maintenant que j’y pense, il est étrange que Léa ne les ait pas remarqués non plus, elle qui se vante de pouvoir déceler un faux pli sur une chemise dans le noir… Ca laisse entendre le creux de la vague où sombre notre passion physique… et impossible d’imaginer ces étranges excroissances translucides y remédier…
Depuis quelques jours, ma vision s’est considérablement améliorée. Encore une fois, je ne me suis rendu compte de rien jusqu’à ce que les enfants se mettent en tête de me surprendre en arrivant dans mon dos. Se jeter sur moi en hurlant et rigoler de ma surprise est devenu leur méthode favorite de passer le temps, mais là, ils pleurent et se vexent parce qu’invariablement je décèle leur présence. Ils m’accusent d’avoir des yeux dans le dos. Je me suis d’abord insurgé, mais quand en voiture j’ai réalisé que je n’avais plus besoin de me servir des rétroviseurs, j’ai compris qu’ils étaient dans le vrai. Je me suis enfermé dans la salle de bain pour faire le bilan sur ma mutation et me suis longuement observé dans le miroir, ne négligeant aucun aspect de mon anatomie. Je me suis trouvé plutôt pas mal, à quelques détails près…
Autour de mon nombril, les tentacules sont au nombre de dix, dont deux plus longs, capables de se saisir de petits objets. J’aurais peur d’effrayer Léa et les gosses, mais prendre la savonnette ou la brosse à dents avec le nombril a un petit quelque chose d’exaltant que j’adorerais partager avec eux. Ca leur en boucherait un coin, eux qui me trouvent plan-plan… Mes yeux n’ont pas changés, la pupille a l’air d’avoir un peu grossi, comme en forme de W, sans plus. Bizarrement, ces changements ne m’inquiètent pas outre-mesure. Aucune panique ne m’a étouffé. J’ai décidé de prendre un bain. Je trouve très réconfortant le contact avec l’eau. J’y ajoute du gros sel et je me laisse aller, Debussy et sa mer en fond sonore. C’est là https://www.youtube.com/watch?v=hlR9rDJMEiQ
Quand Léa a découvert que je m’étais enfermé, ça l’a mise en colère, elle a secoué la porte comme si elle voulait l’arracher et je me suis stressé. En découvrant que mon eau salée était devenue noire, j’ai compris.
Je suis en train de devenir une seiche. Tentacules, vision périphérique, protection par un jet d’encre. Je suis une garniture de paëlla.
Ignorant les menaces de Léa, qui décrivait par le menu toutes les horreurs qu’elle pense de moi et mon égoïsme, j’ai vidé et nettoyé la baignoire, ajusté dignement mon peignoir et ai ouvert avec toute la hauteur dont je peux faire preuve. J’avais envie de lui tendre sa brosse à cheveux avec mon gros tentacule, mais son regard foudroyant m’a tellement glacé que j’ai senti les dix excroissances s’aplatir d’un coup sur mon ventre.
L’homme-seiche est descendu à la cuisine s’ouvrir une bière et réfléchir à la vie.
Je ne me projette ni dans l’océan, ni dans un aquarium, mais je ne sais pas vers qui me tourner. Un généraliste? Un vétérinaire? Un exorciste? Et d’abord, comment cette mutation a-t-elle pu s’initier?
En y pensant mollement, j’ai laissé mon doigt courir sur le bord du crâne qui orne depuis peu le bas de mon avant-bras. C’est Léa qui l’a choisi, elle trouve ça joli, un crâne sur le bras. Personnellement, j’aurais préféré une pin-up, mais comme elle a fait inscrire mon prénom en lettres de feu dans le creux de ses reins, je me suis senti obligé de la laisser choisir mon tatouage. En frottant doucement les traits encore gonflés du dessin, je me suis rappelé l’échange que j’ai eue avec le tatoueur, ce jour là. Tout à mon nouvel intérêt pour le bio, je voulais savoir d’où viennent les encres qui servent aux tatouages. Pas question de me laisser injecter d’affreux produits chimiques. Il m’a rassuré très gentiment. Aucun risque, le noir vient de la seiche. De l’encre de seiche.
Je suis le premier OGM vivant.