Dans ton salon…

desamour

Il y a des moments dans la vie ou on se dit qu’un petit dessin vaut mieux qu’un long discours. Mais  considérons tranquillement l’idée qu’un changement de référentiel (bien trouvé) peut être aussi une bonne illustration.
Aujourd’hui, lecteur-assidu-mon-amour, nous allons faire un parallèle entre la route et ton salon.
En fait, je me trompe.
Toi qui me lis, tu es forcément subtil, fin et délicat. Plein d’humour, d’un haut sens de la dérision et de la causticité. Tu te baignes dans des pétales de roses et tu manges des chips de rayons de soleil (hé oui : vous êtes tellement nombreux à me lire que le soleil commence à faire la tête… d’où la météo impensable de ce WE estival. Tout est corrélé, fabuleux !).
Toi qui me lis, tu ne te comportes pas comme décrit ci-après. Mais tant pis, je vais quand même m’adresser à ceux-qui-ne-me-lisent-pas-et-se-comportent-comme-des-#@$£#.

Donc, pour illustrer (une fois de plus) le quotidien du motard, osons un parallèle. Toi, tu es le crétin débile moyen qui roule en liberté. Moi, je suis le motard et je viens chez toi, dans ton salon, me comporter comme toi  tu te comportes avec moi sur la route.

Je suis grosse et encombrante, parée de trucs inutiles qui font de la lumière. Je porte de larges lunettes noires qui ne laissent rien deviner de mon identité. Mais ne filtrent pas mon agressivité, dont la source remonte à une quelconque frustration liée à la taille ridicule de mon sexe.

J’arrive en portant une radio branchée sur une station inaudible, le son est à fond. Tu habites au 10e étage, mais tu m’entends depuis le rez-de-chaussée. Je monte dans l’ascenseur en chantant dans un yaourt crétin des bribes de mots que je ne comprends pas. Je choisis de bousculer tout le monde, de me précipiter sur le bouton « 10 » en empêchant les autres passagers de l’ascenseur de choisir leur étage. Ceux qui voudraient sortir se font bousculer par moi, sans raison bien sûr, juste pour le plaisir. Quand je descends, je prends bien soin de pousser tout le monde pour passer en premier en jetant des regards furieux et en marquant le rythme de la musique de la tête.

Je rentre chez toi en défonçant la porte, la sonnette ne servant à rien. Je néglige le paillasson. Cette question!!

Je t’ignore et commence à arpenter ton salon en jetant mes papiers gras partout, papiers roulés en boules dans lesquelles restent des fonds de bouffe grasse dégueulasse.

Tout le temps que dure ma visite, je mets mes doigts dans mon nez, jusqu’au coude et très régulièrement.

Si tu regardes la télé, je choisis le siège le plus proche, le pose juste devant toi et m’installe dessus. De la façon la plus dérangeante pour toi, tu l’as deviné.

Je ne t’ai bien sûr pas dit bonjour.

Si tu discutais tranquillement avec ta femme ou tes gosses, je vous interromps pour vous raconter une blague débile très grossière et je ris bruyamment en tapant sur le dossier de ma chaise. Je vous toise d’un air supérieur. Vous ne voyez toujours rien de la télé. Mon gros cul est bien plus intéressant.

Je passe mon temps scotchée à regarder mon téléphone pour m’orienter dans ton appartement. Peu importe que tu m’aies obligeamment donné des indications. Je t’ignore comme le sombre lombric que tu es et je sms tous mes amis sans regarder une seule fois devant moi. Je percute ton chien, tes enfants, cabosse quelques meubles, empêche tout le monde de se rendre dans le couloir, mais je m’en fou. Tu n’existes pas à mes yeux.

Tu veux sortir du salon ? Pas question, je bloque la porte et te toise de nouveau. Pourquoi sortirais-tu si je ne l’ai pas décidé ?

Mais quand je veux sortir, je te pousse, je renverse ton café, je jette par terre ton assiette de dessert, que je piétine et je sors à grand bruit en laissant derrière moi des traces de pas grasses. Je ris. C’est gras aussi.

Avant de te demander de me servir l’apéro, je balance mon vieux mégot, non pas dans le cendrier prévu à cet effet, mais directement sur toi. Si tu portes des lunettes, je m’arrange pour que le mégot se coince entre les verres et tes yeux. Ne dis rien, sinon je te tue. Minable.

Si tu ne réagit pas assez vite à ma demande d’apéro, je t’insulte copieusement.

Je te poursuis à la cuisine en te collant au train et en te traitant de tous les noms.

Si tu as l’impudence de protester, je baisse mes lunettes de soleil et te jette un regard noir lourd de sens. J’insulte ta femme.

Je prend la bouteille entière, pas de verre (pas la peine de s’encombrer), et je sors en te pétant au visage. Ca laisse une traînée immonde dans laquelle tu vas errer longtemps, le souffle court et la larme à l’œil.

Je quitte ton appartement en hurlant des chants paillards et en passant si près de toi que tu sens mon parfum fétide. Tu as peur et longtemps tu entends résonner mes chants, d’étage en étage, tout le long de ma descente au rez-de-chaussée. Ils accompagnent ton écoeurement, comme la signature virtuelle de ma grande incivilité.

Voilà. Si tu t’es reconnu en moi dans ce trop bref descriptif, sache que tu es méprisable. Mais pas moi.

Publié le 29 juin 2014, dans La fée pétasse, et tagué , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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