Le petit chien rouge – un conte Pascal –

Lecteur-chéri-mon-lapin-en-chocolat (ça s’appelle « contextualiser »), revenons à l’essentiel : le bassin des carpes Koï, Roger et Stanislas.

Petit rappel : Si tu ne connais pas encore Roger et Stanislas, sache que ce sont deux carpes Koï qui présentent la particularité de parler (et de ne jamais rater l’apéro). Roger est par ailleurs capablre de lire les pensées humaines. Ces carpes sont sentimentales (bien que fort viriles) et si elles pleurent, celui qui boit leurs larmes sucrées voit sa vie se prolonger de l’exacte durée de son honnêteté. Leur bassin est situé dans une clairière, à proximité d’un palais où vit un petit prince.
Voilà, tu sais l’essentiel.

– Dis donc Roger, j’aurais bien croqué dans un œuf en chocolat, moi aussi…
Stanislas, sa grosse tête corail sortie de l’eau, agite les nageoires en direction des reflets multicolores qui viennent d’un pied de fleurs roses.
– Ce sera comme chaque année, personne n’a l’idée de donner du chocolat à des poissons, arrête de rêver.
Roger s’approche et jette un œil curieux aux alentours.
– Mais je reconnais que c’est joli, tous ces papiers brillants dans l’herbe. En revanche, je trouve vexant qu’on mêle de vulgaires poules et d’idiots lapins à des êtres aussi raffinés que des poissons… Et la friture ! Quel nom stupide ! je t’en collerai, moi, des crevettes en chocolat frit… Dis-donc, on dirait que le nénuphar bouge, là-bas !
Les deux poissons abandonnent leurs réflexions chocolatières pour se diriger vers un gros nénuphar blanc, délicatement posé sur une feuille ronde et vernissée. La fleur, agitée de soubresauts, oscille de gauche à droite de façon étrange. Suspicieux, Roger tente une approche en profondeur. Rien de spécial, le dessous de la plante est parfaitement normal. Sur un signe de Stanislas, il sort lentement la tête de l’eau, son gros œil noir affleurant la surface. Les pétales bougent toujours, comme si la fleur contenait quelque chose de vivant. Voyant apparaître l’œil rond de Stanislas à quelques centimètres de lui, il décide de s’approcher  un peu plus. Un jappement le fige. Cette fleur fait du bruit ! Oubliant toute prudence, Roger donne un grand coup de queue et va coller son œil sur un espace entre deux pétales, immédiatement imité par Stanislas.
C’est une boule de poils rouge vermillon qui s’offre aux yeux des deux carpes hébétées. Un petit bruit s’en échappe, puis la boule donne un coup vif, secouant les pétales blancs.
– Réunion de crise !
L’ordre de Roger est immédiatement suivi par Stanislas et les poissons se rejoignent dans la boue douce qui couvre le fond du bassin, 80 cm plus bas.
– Il faut agir vite ! Tu sais ce que c’est ?
Stanislas ne sait pas, mais il trouve le rouge joli.
– On parlera chiffon plus tard… c’est un petit chien ! Il arrive parfois, les nuits de pleine lune, que des petits chiens naissent dans des nénuphars. Ce sont des chiens magiques… les bleus prédisent l’avenir, les jaunes apportent l’amour…
– Et les rouges ?
– Les rouges exhaussent tous les vœux ! Ce sont les plus recherchés, mais aussi les plus fragiles. Celui-ci n’a que quelques heures avant de devenir invisible et de disparaître…
Stanislas remonte rapidement observer leur découverte. C’est en effet un très petit chien aux longs poils soyeux rouge vif, aux grands yeux violets et aux oreilles pendantes. Il jappe joyeusement en se tortillant dans la fleur, laissant apparaître une boucle d’or qui orne son oreille gauche.
– C’est en touchant cette boucle d’or qu’il faut faire un vœu, explique Roger.
– Oh mais c’est génial cette histoire de chiens magiques !
Stanislas est tout excité.
– Tu crois qu’on peut l’inviter à l’apéro ? ça boit quoi, un petit chien comme ça ?
– C’est bien le moment de penser à prendre l’apéro ! Je te dis qu’il n’a que quelques heures devant lui. Il faut que quelqu’un l’adopte, sinon il va disparaître…
– Mais je veux bien l’adopter, moi !
– Ne sois pas ridicule, les poissons ne peuvent pas adopter les chiens…
– Et alors ? il y a bien des cloches vivantes qui jettent des œufs de poule en chocolat dans des lapins ! ça ne choque personne…
– Ce n’est pas le moment de jouer au plus malin, essayons plutôt de trouver une idée pour aider ce chiot à trouver sa place…
Stanislas écarte les pétales avec la bouche pour regarder le chiot. Le petit animal a entreprit de lécher le cœur de sa fleur, maculant sa truffe de jaune. Il aperçoit le poisson et vient gentiment lui lécher l’œil, couvrant la grosse tête corail de jaune. Stanislas, ému, essaie maladroitement de rendre la caresse au petit chien.
– T’as raison, il faut l’aider…
Les poissons regardent autour d’eux, à la recherche de quelque chose à faire, quand un rire cristallin interrompt leurs réflexions. C’est le petit prince, tout guilleret, qui vient pour la chasse aux œufs et furète dans les herbes.
– Le gamin ! Bien sûr, c’est lui qui doit adopter le chiot !
Roger se dresse le plus possible au-dessus de l’eau, pour voir l’enfant sautiller dans l’herbe en poussant de petits cris de joie à la découverte des œufs multicolores. Il rit et admire chaque prise avant de la ranger son petit panier. Tout occupé à ramasser un lapin bleu et des petites poulettes roses, il ne fait pas attention aux poissons qui se sont mis à effectuer de grands bonds dans son dos, espérant attirer son attention.
– J’en peux plus !
Roger est essoufflé par les sauts qu’il n’a cessé de faire. Hors d’haleine, il fixe désespérément l’enfant qui déguste des poulettes et se lèche les doigts.
– Il faudra que tu penses à faire de l’exercice mon gros, y a pas que l’apéro dans la vie !
Stanislas redouble d’effort, encourage son compagnon. Roger change de stratégie et donne de grands coups de queue dans l’eau, affolant le petit chien rouge qui se met à japper. Le bruit et l’agitation inhabituelle de l’eau finissent par intriguer le bambin. Il pose son panier et approche doucement. En découvrant la danse des poissons, il se met à rire et à sauter.
– Mais non ! Danse pas avec nous ! Approche plutôt !
Roger et Stanislas sautent encore plus haut et plus près du nénuphar qui abrite le chiot, éveillant la curiosité de l’enfant qui s’approche et se penche vers les fleurs.
– Pas trop quand même, il ne faudrait pas que le gamin tombe à l’eau…
Les poissons cessent leurs sauts et se mettent de part et d’autre de la fleur abritant le petit chien. Ils agitent les nageoires et fixent l’enfant. Le petit prince tend un doigt potelé, mais il est trop petit pour atteindre la fleur. Roger a l’idée de pousser la tige du nénuphar, et les carpes s’escriment un moment pour rapprocher la fleur du bord. Le petit chien ne fait plus de bruit. Roger jette un œil et perçoit le changement de couleur de son poil.
– Vite ! Vite ou il va disparaître !
Dans un dernier effort, ils avancent encore la tige près de l’enfant qui, soudain devenu sérieux, les aide en tirant sur les feuilles. Il ne lui faut que quelques instants pour découvrir le pompon rouge lové dans le cœur de la fleur. Concentré, il l’attrape avec douceur et le pose dans le creux de sa main. Immédiatement, le pelage du petit animal reprend de l’intensité et un jappement timide se fait entendre. L’enfant sourit, caresse du doigt sa trouvaille en babillant, puis se retourne d’un mouvement vif et court reprendre son panier.
Les poissons le voient en extraire une écharpe avec laquelle il fabrique un nid avant d’y déposer le chiot, puis il déballe un œuf et le découpe en petits morceaux dont il régale son nouvel ami, sans cesser de le flatter de la main, effleurant au passage l’anneau d’or.
– Héhé ! je crois que ce petit chien a trouvé preneur…
Roger n’a pas le temps de finir sa phrase qu’une niche toute en verre décoré de dessins aquatiques se matérialise devant le bassin, sa porte dirigée vers eux. A l’intérieur, un coussin vert brodé de nénuphars et une écuelle bleue pleine d’eau.
– Stanislas, je crois que l’enfant veut que nous soyons amis avec son chien ! Son premier vœu est pour cette jolie maisonnette… on a un voisin!
Content de son organisation, l’enfant délicat déballe des friandises et les jette en direction des deux gros poissons.
– Roger ! Du chocolat ! On va avoir du chocolat pour l’apéro ! Je l’aime cet enfant…

 

 

Lecteur-Chéro-Mon-Amour, si ces messieurs carpes t’ont plu, tu trouveras quelques-une de leurs aventures dans la catégorie « Roger et Stanislas » de ce bel endroit dédié à la culture littéraire.

Publié le 16 avril 2017, dans Roger et Stanislas, et tagué , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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