Cher monsieur des impôts,
Cher admirateur des impôts,
je comprends fort bien ton enthousiasme et la joie que tu éprouves chaque fois que tu prends la plume pour m’écrire.
Oui, les liaisons épistolaires sont rares et donc tu occupes une place spéciale dans mon cœur, pour tous les efforts que tu fournis.
Oui, j’aime t’imaginer, seul derrière ton grand bureau vide, à l’image de ta vie, tout frémissant du plaisir de me déclarer ta flamme.
(Au passage, note que si tu pouvais m’envoyer des lettres manuscrites, j’y serais encore plus sensible)
Oui encore, mon cœur palpite chaque fois que je découvre une de tes missives délicatement déposée dans ma boîte à lettres, souffrant de se trouver entourée de prospectus pour des magasins vulgaires qui vendent à vil prix des marchandises pour lesquels ils pressent comme de vieux citrons des industriels en passe de devenir producteurs de chômeurs.
Oui, monsieur des impôts, j’avoue être sensible à ton assiduité, qui me fait me sentir femme et belle et mes cheveux ondulent dans un vent doré, ma peau rosit, mes ongles brillent, mes dents blanchissent et mon ventre devient plat dès que je glisse ma clé dans la serrure de la petite boîte de métal qui va me conduire à toi.
Oui, un homme qui prend le temps d’une lettre, c’est précieux. Ça se chéri.
Mais là, monsieur des impôts, ça fait beaucoup de courrier, et je commence à me sentir moins à l’aise. Comment te faire comprendre ça délicatement ?
Ça confine au harcèlement, ça te va ?
Pourtant, j’avais cru être claire : dans toute relation amoureuse, il finit par y avoir des quotas implicites. Des limites à ne pas dépasser.
Tu dois venir d’un monde ancestral (à coup sûr, tu ne viens pas du futur, vu le style suranné de tes tournures) dans lequel la femme était soumise et effacée. Laisse-moi t’apprendre que les temps changent et que la femme, elle s’agace. Elle s’énerve. Elle se crispe, même. Et « femme crispée présente danger », comme le disait Pandi-Panda.
Je te laisse le bénéfice du doute. L’amour pour mon adorable personne est totalement compréhensible, et peu en réchappent. Mais je te préviens : le prochain courrier, je cours au commissariat porter plainte pour harcèlement. Et tu n’auras plus le droit de m’écrire. Tu devras m’effacer de tes fichiers, de ton téléphone, de ton répertoire d’adresse. Me faire DISPARAITRE de ta vie de maniaque.
Et si tu oses seulement imaginer reprendre cette correspondance qui devient blessante et ne va pas tarder à être vulgaire (je le sens, tu ne te maîtrises plus), je t’envoie un ami à moi très grand, très costaud, très discret et muni d’une corde à piano. Je précise que ce ne sera pas dans le but de nous réaccorder, si tu vois ce que je veux dire.
Sur ce, monsieur des impôt, je ne te salue pas.
PS : Sache que les gens obstinés comme toi sont de grand malades. Ça se soigne et ce doit même être (encore) remboursé par la sécu. Profites-en.
Publié le 3 décembre 2016, dans Capillotractions, et tagué courrier; épistolaire, impôts;. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.
Poster un commentaire
Comments 0