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« The revenant » et « La loi du marché » VS sport en salle

Attention, spoiler en vue (je rêvais tellement d’écrire ça!)

Il y a eu les Oscars, il y a eu les Césars. Les deux finissent par « ar » et ça doit forcément avoir un sens. Comme dans « art » par exemple. Ou comme  dans « j’en ai marre », mais là le rapport est moins évident.
Et donc, deux comédiens qui n’avaient jamais été primés l’ont tété. La statuette, j’entends. Ce qui conduit fatalement les gros avides de films à se ruer vers les salles obscures. J’en fait partie (doublement: « gros » et « avide » me qualifient de façon très précise).
Ok pour les films mais quid du sport en salle? me diras-tu, lecteur-chéri-mon-amour, toi qui a la mémoire des titres et le cerveau souple. Tout simplement pour établir un parallèle entre deux personnages de battants (dans les films) et ceux qui se croient battants (dans les salles de sport)
Pour commencer, laisse-moi te rappeler que je n’ai aucunement la prétention de dresser ici la critique des deux films; des tas de gens le font beaucoup mieux que moi. Mais les deux comédiens m’ont tellement impressionnée que pour une fois j’ai envie d’expliquer pourquoi.
1-1

A ma gauche: Léonardo en peau de bête, le corps meurtri et l’âme à l’agonie, va passer 2h36 (c’est quand même long, 2h36) à trouver le moment de se venger. Il l’air mal en point et la bave qu’il arbore aux lèvres atteste qu’il traverse un moment difficile.

La-Loi-du-Marché-Une-Une
A ma droite: Vincent en uniforme de tergal, le corps alourdi et l’âme en peine, va passer 1h37 (ce qui est beaucoup plus raisonnable) à chercher sa place dans un système qui ne veut plus de lui (et c’est tant mieux, parce que lui, il ne veut plus du système). Il a l’air fatigué et son visage tiré vers le bas atteste qu’il a arrêté de rigoler depuis un bout de temps.

Léonardo éructe et se tord, après s’être battu contre un ours (dans une scène hallucinante de réalité), avoir baigné des heures dans une eau glacée, chuté d’une falaise, crevé de faim, dormi dans un cadavre de cheval, etc etc. (Etrangement, quelques scènes m’ont rappelé « Le monde d’Arlo »… Oui, mes goûts sont éclectiques) .
Vincent reste droit et digne, après s’être battu contre pôle-emploi et la banque. La nature hostile est remplacée par le monde ordinaire de ceux qui humilient sans s’en rendre compte, critiquent sans compassion,  jouissent du ridicule pouvoir que leur confère une situation rémunérée. Tiens, ça vous rappelle des trucs?

Léonardo est très bon, sans conteste, mais honnêtement son combat reste le sien et jamais (sauf sous la hutte salvatrice de l’indien-gentil) je ne me suis sentie proche de son personnage (alors que je garde en mémoire toute la vie de Jack Crabb dans « Little big man »). J’ai décroché quand il tombe à l’eau et après, n’ai plus vu qu’exagérations et outrance dans le film (même si les images de la nature sont somptueuses). Je crois même que la chute avec le cheval dans l’arbre m’a fait ricaner.
Vincent, de son côté, donne l’impression hallucinante de lire dans mon cerveau et de montrer  à l’écran (avec une infinie subtilité) exactement ce que je ressens (avec 5 secondes de décalage). Tout est juste: la colère et l’impuissance à pôle-emploi, le début d’humiliation à la banque, la suite de l’humiliation lors de la critique de la séquence filmée (re à pôle-emploi), le léger mépris suivi de la très profonde émotion lors de la scène de départ à la retraite, la haine de soi en vigile, et j’en oublie plein. Toutes ces émotions sont communiquées sans que le personnage ne dise un mot. Dingue.

Ces deux personnages montrent ce que peut être un combat, bien réel, quand tout pousse à l’échec et que seule la suprême volonté permet d’avancer. Ce qui est à noter, à mon sens, c’est que chacun reste humble et discret à sa façon. Ils sont guidés par leur seul objectif.

Mais venons-en à la salle de sport.
Dans les salles de sport, on croise des individus (costard-cravatés dans le civil), la musculature extrêmement travaillée à grand recours de machines, qui prennent des poses avantageuses, jettent des regards dits « de durs » (c’est à dire un peu par en dessous, avec les sourcils froncés, et c’est souvent assorti de poings fermés… genre menaçant, mais en toute subtilité) et se permettent même de rouler des épaules.  Leur volonté se dresse contre les poids de 10 kg, leur objectif est d’avoir le ventre plat sur la plage. Et éventuellement d’emballer l’assistante du 3ème étage. Comme si, à notre époque, le muscle pouvait être synonyme de virilité.
Ben non, débilos, si tu es musclé comme un personnage de BD, c’est que tu as du temps pour aller pousser de la fonte. Donc que tu n’as pas grand chose à faire de tes journées (ce phénomène est particulièrement remarquable dans les entreprises équipées d’une salle de sport. Il faut se méfier des chefs de service trop musclés: ce sont vraisemblablement de grands « délégateurs »). Si tu as du temps, tu peux aussi le passer au ciné ou (folie) à lire des livres (tu verras, on y apprend plein de trucs. Faut pas se laisser impressionner parce qu’il n’y a pas d’images)

Donc, Lecteur-Chéri-Ma-Biscotte, si tu m’as suivie, tu comprends où je veux en venir : de mon point de vue, l’héroïsme va prendre sa source dans la capacité à tracer sa route et à la suivre, tout en préservant dignité et humanité. Le reste n’est que posture et surface et ça, on s’en fout.

 

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the revenant

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